قصر الجم

( Amphithéâtre d'El Jem )

L'amphithéâtre d'El Jem (arabe : مسرح الجم), aussi appelé Colisée de Thysdrus, est un amphithéâtre romain situé dans l'actuelle ville tunisienne d'El Jem, l'antique Thysdrus de la province romaine d'Afrique.

Construit vraisemblablement vers le premier tiers du IIIe siècle, même si sa datation a fait l'objet de débats, il prend la succession de deux édifices du même genre, dont l'étude a permis d'analyser la genèse de ces constructions monumentales destinées aux loisirs. Il a probablement abrité des combats de gladiateurs ainsi que des courses de chars et autres jeux du cirque, mais surtout des exhibitions de bêtes sauvages et des reconstitutions de chasses aux fauves particulièrement prisées.

Selon Jean-Claude Golvin, l'édifice marque avec quelques autres l'apogée de ce genre de monument, au « terme d'une...Lire la suite

L'amphithéâtre d'El Jem (arabe : مسرح الجم), aussi appelé Colisée de Thysdrus, est un amphithéâtre romain situé dans l'actuelle ville tunisienne d'El Jem, l'antique Thysdrus de la province romaine d'Afrique.

Construit vraisemblablement vers le premier tiers du IIIe siècle, même si sa datation a fait l'objet de débats, il prend la succession de deux édifices du même genre, dont l'étude a permis d'analyser la genèse de ces constructions monumentales destinées aux loisirs. Il a probablement abrité des combats de gladiateurs ainsi que des courses de chars et autres jeux du cirque, mais surtout des exhibitions de bêtes sauvages et des reconstitutions de chasses aux fauves particulièrement prisées.

Selon Jean-Claude Golvin, l'édifice marque avec quelques autres l'apogée de ce genre de monument, au « terme d'une évolution architecturale étalée sur près de quatre siècles ». Cependant, la situation de Thysdrus, avec ses trois amphithéâtres étudiés scientifiquement, « paraît unique au monde » selon Hédi Slim.

Ce « Grand amphithéâtre », le monument romain le plus célèbre de la Tunisie, est l'amphithéâtre le mieux conservé d'Afrique du Nord. Il a fait l'objet d'un classement au patrimoine mondial de l'Unesco en 1979. L'amphithéâtre accueille chaque année environ 530 000 visiteurs.

Un édifice qui prend la succession d'édifices précédents  Vue générale de l'arène du site des anciens amphithéâtres.

L'édifice de spectacles est le troisième amphithéâtre construit dans la ville de Thysdrus, cité enrichie « par l'oléiculture et le commerce »[1] ; il en est à la fois le plus abouti et le mieux conservé. La cité est la seule à posséder un tel nombre de vestiges de ce type, permettant ainsi aux spécialistes d'en appréhender l'évolution[2].

Le second amphithéâtre, dont la présence avait déjà été devinée par Charles Tissot, a été dégagé dans les années 1960, alors que le premier a été mis en évidence grâce à des fouilles menées par Hédi Slim à partir de 1973[3]. Le premier édifice d'une capacité d'accueil de 6 000 spectateurs[4],[5] a été qualifié de rudimentaire[1], d'embryonnaire[6] ou de « très ancien »[7].

Jean-Claude Golvin le date du Ier siècle apr. J.-C.[8] alors qu'il aurait été abandonné dès la fin du même siècle[9] ; il semble donc devoir être rapproché des édifices de l'époque républicaine qui utilisaient la configuration du terrain. Le lieu choisi pour sa construction, qui avait abrité des sépultures à l'époque pré-romaine[3], est le seul relief naturel de la zone propice à un édifice. Le bâtiment a en effet été taillé dans une colline de tuf sans aucune maçonnerie[6] et avec des formes irrégulières. Les gradins, en nombre restreint, ont été taillés dans la roche[3] et la cavea y a été creusée.

L'arène mesurait 49 mètres sur 40[8] alors que les gradins, qui semblent s'être érodés assez rapidement, ont été réparés au moyen de briques crues[10]. La présence de l'édifice semble devoir être rapprochée de l'implantation dans la cité d'une communauté italienne férue de spectacles[1], peut-être d'origine campanienne[11] ou étrusque, ces deux régions étant le berceau des jeux en amphithéâtre[10]. Le deuxième édifice, d'une forme répandue à structure pleine[10], a été construit sur la même colline que le précédent à la fin du Ier siècle apr. J.-C.[10] ou au IIe siècle[7], avec cependant une forme plus elliptique du fait d'un remblai placé sur l'arène et les gradins de l'édifice antérieur. Le remblai de l'arène, haut de 2,50 mètres, a permis d'obtenir une forme régulière[5].

 Détail des vestiges des gradins compartimentés du second amphithéâtre.

Les gradins ont été placés dans des compartiments maçonnés, de tailles diverses et séparés par des espaces[5], pour une capacité d'accueil totale de 7 000 spectateurs[4]. Il semble y avoir eu 24 compartiments dont 16 subsistent dans des états de conservation divers[12]. L'arène mesurait 60 mètres sur 40, pour une taille totale de 92 mètres sur 72[12]. Golvin évoque aussi une loge et une chapelle situées sur l'axe ouest[12]. L'esthétique est absente de la construction mais les améliorations techniques y sont importantes, la rendant plus fonctionnelle[5].

À l'époque de la dynastie sévérienne, au début du IIIe siècle[13],[14], la cité est en forte croissance, du fait d'un commerce florissant de l'huile d'olive et du blé favorisé par une situation au carrefour de routes commerciales[15]. Le deuxième amphithéâtre étant devenu insuffisant, il est remplacé par l'édifice actuel, plus important, construit sur un terrain plat[4],[14], méthode également utilisée à Carthage, Nîmes ou Rome[16]. Sa construction serait liée à une manifestation d'évergétisme de l'élite de la cité[4].

Pour Hédi Slim, son coût tranche avec le peu de traces épigraphiques d'un évergétisme local, notamment en matière d'organisation de jeux[17]. Le côté tardif de la construction a entraîné la correction des problèmes soulevés lors des précédentes édifications, pour davantage de fonctionnalité[17], et ces innovations ont constitué aussi un facteur de longévité[1].

Datation controversée

Le monument, qui figure parmi les mieux conservés de son genre, n'a été que peu étudié[18]. L'exploration récente du monument n'a pas livré d'inscription permettant de dater sa construction[19]. De même, les fouilles archéologiques récentes n'ont pas livré d'éléments précis hormis des tessons d'un type de poterie datable de la première moitié du IIIe siècle[20]. On a considéré de manière hasardeuse, car non corroborée par des éléments tangibles, que l'édifice aurait été construit en 238 apr. J.-C. en relation avec la révolution de cette année-là[21], ou sous le proconsulat de Gordien[22] devenu empereur romain en avril de la même année. On place généralement sa date de construction entre 230 et 250[20], durant la période de l'anarchie militaire, mais des études anciennes l'ont avancée sous le règne des Antonins[23] voire à la fin de l'empire[24].

Le coût du mode de construction en pierre de taille ainsi que le besoin en nombre de places de spectateurs semblent cependant la placer de façon assurée pendant l'apogée de la cité, à la fin du IIe siècle apr. J.-C. et au début du IIIe siècle[19], sous la dynastie des Sévères. Alexandre Lézine suivi par Golvin propose une fourchette de datation plus étroite, de 230 à 238, avec un inachèvement lié aux événements de cette dernière année[19].

Hédi Slim se pose pour sa part en partisan d'un achèvement du chantier[25].

De la fin de l'Antiquité au Moyen Âge

Bien que la ville soit supplantée peu à peu par Sufetula comme capitale économique de la région et que les routes commerciales s'en détournent peu à peu, Thysdrus continue à jouer un rôle militaire du fait de la transformation en forteresse de la bâtisse[26]. Les fouilles archéologiques ont pu dater l'abandon de l'amphithéâtre de la seconde moitié du Ve siècle, donnant une durée d'activité approximative de deux siècles[27].

 Édifice sur une gravure de 1843, illustrant la vision romantique qui fut longtemps celle des visiteurs du site. Percée dans l'enceinte.

Dès l'époque byzantine, l'amphithéâtre est devenu une forteresse et un lieu de refuge ; cela est attesté en 647 après la défaite byzantine de Sbeïtla face aux armées arabes[26]. La transformation s'est opérée en bouchant les arcades du rez-de-chaussée et en aménageant d'autres installations dont une tour qui a été retrouvée lors des fouilles récentes[28]. Le monument est parfois appelé « ksar de la Kahena », du nom d'une princesse berbère du VIIe siècle qui a rassemblé les tribus pour repousser l'avancée de l'envahisseur musulman. Vaincue et traquée, elle se réfugie avec ses partisans dans l'amphithéâtre et y résiste durant quatre ans. Selon la légende, elle aurait été trahie par son jeune amant, qui l'aurait poignardée avant d'envoyer sa tête embaumée au chef des armées arabes. L'édifice est cité par Al-Bakri, au XIe siècle, et par At-Tijani, qui laissent tous deux entendre qu'il offrait une protection efficace[26], ce qui est difficilement conciliable avec l'état des ruines.

La disparition des gradins et des éléments du dernier étage aurait donc été postérieure et progressive[29]. La ruine du monument a entraîné un dépôt considérable de déblais, d'une hauteur variant de 1,50 à trois voire quatre mètres[29].

Époque moderne

Malgré une destruction partielle due à l'utilisation de ses pierres pour la construction de la ville d'El Jem, le troisième amphithéâtre est encore remarquablement bien conservé et on suppose qu'il est resté entier jusqu'au XVIIe siècle. Le voyageur Victor Guérin précise dans son récit que « c'est vers 1695, d'après la tradition arabe, que l'on commença à démolir la façade extérieure, jusque-là demeurée à peu près intacte »[30].

 Carte postale montrant l'amphithéâtre vers 1900 avec les épais remblais ayant comblé l'intérieur du monument. Visiteurs déambulant au début du XXe siècle.

Le pouvoir beylical aurait maté à cette date une révolte d'origine fiscale et créé des brèches à coup de canon afin d'empêcher que le site ne serve de refuge aux populations locales[29]. Le lieu a néanmoins été encore utilisé à cette fin au milieu du XIXe siècle lors d'une dernière révolte. Après de nouvelles dégradations, les populations puisent largement dans les ruines[31].

Le site fait l'objet de visites dès le XVIIe siècle et surtout au XIXe siècle, puis ce mouvement s'amplifie avec la mise en place d'une protection des vestiges. Des restaurations ont lieu dans la première moitié du XXe siècle, sur la partie de la façade détruite, tout comme le dégagement de l'arène et des espaces souterrains[32]. Le tourisme prend de l'ampleur au XXe siècle, pour arriver à environ 530 000 visiteurs annuels en 2008[33], ce qui en fait le second site le plus visité en Tunisie.

Époque contemporaine  Vue de l'édifice en 1975, peu d'années après le début de la campagne d'étude et de restauration du monument menée en particulier par l'INAA.

Le site est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 1979. L'inégal état de conservation du matériau de construction ainsi que des chutes de pierres voire de voûtes[34] ont rendu nécessaire une campagne de consolidation et de restauration[35] financée par le gouvernement tunisien et une fondation privée[36]. La consolidation a permis d'éviter les nouvelles chutes de pierres et de prélever les parties irrémédiablement endommagées[37]. La restauration, au moyen de matériaux prélevés dans les remblais de démolition dégagés[38], a eu pour objet, outre la préservation du monument, de l'ouvrir davantage à la visite de la façon la plus pédagogique possible. L'un des moyens pour cette accessibilité accrue a été la restitution de voûtes et d'escaliers[37].

 Vue vers l'amphithéâtre depuis l'espace à l'aménagement paysager.

La remise en état de gradins destinés à 500 spectateurs permet en outre de « contribuer à la réanimation culturelle de l'édifice » selon Hédi Slim[29]. Les travaux de reconstitution de piliers ont aussi aidé à reconstituer la forme elliptique de la construction[39]. La campagne a également permis de compléter la connaissance du monument, notamment le système de récupération des eaux pluviales et les fondations[40]. On a par ailleurs mis au jour de nombreux fragments des gradins dans l'arène[40].

En raison des différences de niveau entre la ville contemporaine et l'édifice, son environnement immédiat a été aménagé à la fois par des moyens végétaux et minéraux[39].

Du fait de sa bonne acoustique et des restaurations effectuées, l'amphithéâtre accueille chaque été depuis 1985 le Festival international de musique symphonique d'El Jem[40].

En novembre 2019 débutent des travaux de restauration, un chantier réalisé grâce à un financement de 430 000 dollars (1,227 million de dinars tunisiens) du Fonds des ambassadeurs pour la préservation culturelle, initié par l'ambassade des États-Unis, auquel le ministère tunisien des Affaires culturelles ajoute une aide d'un million de dinars[41].

↑ a b c et d Slim et Fauqué 2001, p. 176. Slim 2007, p. 84. ↑ a b et c Slim 1986, p. 462. ↑ a b c et d Slim 2007, p. 89. ↑ a b c et d Slim 1986, p. 466. ↑ a et b Slim 1986, p. 463. ↑ a et b Golvin et Landes 1990, p. 89. ↑ a et b Golvin 1988, p. 84. Slim 2007, p. 85. ↑ a b c et d Slim 1986, p. 464. Slim 2007, p. 97. ↑ a b et c Golvin 1988, p. 131. Golvin 2003, p. 110. ↑ a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées CRAI468 Golvin 2003, p. 111. Slim et Fauqué 2001, p. 178. ↑ a et b Slim 1986, p. 451. Golvin 1988, p. 209. ↑ a b et c Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Golvin_amphi210 ↑ a et b Slim 1986, p. 450. Mahjoubi 2000, p. 173. Golvin et Landes 1990, p. 141. Thomas Shaw cité par Slim 1986, p. 450. Henri Saladin cité par Slim 1986, p. 450. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées CRAI459 ↑ a b et c Slim 2007, p. 124. Slim 1986, p. 460. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées CRAI458 ↑ a b c et d Slim 1986, p. 447. Victor Guérin, Voyage archéologique dans la régence de Tunis, Paris, Plon, 1862, 395 p. (lire en ligne), p. 91. Slim 2007, p. 124-125. Slim 1986, p. 442. Jean Medhi Chapoutot, Suivi de la stratégie méditerranéenne pour le développement durable : promouvoir un tourisme durable en Tunisie, Marseille, Plan Bleu, 2008, p. 26. Slim 1986, p. 443. Slim 1986, p. 444-445. Slim et Khanoussi 1995, p. 121. ↑ a et b Slim 1986, p. 445. Slim 1986, p. 449. ↑ a et b Slim et Khanoussi 1995, p. 122. ↑ a b et c Golvin et Landes 1990, p. 144. « Démarrage des travaux de restauration et de préservation du Colisée d’El Jem », sur huffpostmaghreb.com, 6 novembre 2019 (consulté le 7 novembre 2019).
Photographies by:
Hp.Baumeler - CC BY-SA 4.0
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