Le Grand Tour, écrit de la même façon en anglais, est à l'origine un long voyage en Europe effectué par les jeunes hommes, et plus rarement les jeunes femmes, des plus hautes classes de la société européenne, britannique, allemande, mais aussi française, néerlandaise, polonaise, scandinave, plus tardivement russe à partir des années 1760, et américaine depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. La pratique, qui émerge vers le milieu du XVIe siècle, s'affirme tout au long du XVIIe siècle, pour culminer au XVIIIe siècle. Ce voyage d'éducation aristocratique est destiné à parfaire leur éducation et élever leurs centres d'...Lire la suite

Le Grand Tour, écrit de la même façon en anglais, est à l'origine un long voyage en Europe effectué par les jeunes hommes, et plus rarement les jeunes femmes, des plus hautes classes de la société européenne, britannique, allemande, mais aussi française, néerlandaise, polonaise, scandinave, plus tardivement russe à partir des années 1760, et américaine depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. La pratique, qui émerge vers le milieu du XVIe siècle, s'affirme tout au long du XVIIe siècle, pour culminer au XVIIIe siècle. Ce voyage d'éducation aristocratique est destiné à parfaire leur éducation et élever leurs centres d'intérêt, juste après, ou pendant leurs études, alors essentiellement fondées sur les humanités grecques et latines. Les destinations principales sont avant tout l'Italie, mais aussi la France, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Suisse que le jeune homme parcourt en partant et en revenant dans son pays. Plus tard, à partir du milieu du XVIIIe siècle, certains se hasardent jusqu'en Grèce et au Proche-Orient, parfois en Perse. Ces voyages durent en général plusieurs années, jusqu'à cinq ou six pour les familles les plus fortunées ou pour les jeunes gens les plus ambitieux ; ils sont le plus souvent effectués en compagnie d’un tuteur. Ils deviennent une pratique normale, voire nécessaire à toute bonne éducation pour des jeunes gens destinés à de hautes carrières ou simplement issus de l'aristocratie cultivée. Aux XVIIIe et XIXe siècles, le Grand Tour est l'apanage des amateurs d'art, des collectionneurs et des écrivains, dont Goethe et Alexandre Dumas. Le Grand Tour a entre autres pour effet de mettre en contact la haute société de l'Europe du Nord avec l’art antique et aide à la diffusion du palladianisme et du néoclassicisme.

 Goethe dans la campagne romaine, par Tischbein (1787).Moyen-Âge

Dès le Moyen Âge, les étudiants de familles nobles pratiquaient la peregrinatio academica, pérégrination académique consistant à se « déplacer » d'une université à l'autre. Cette pratique médiévale perdit progressivement son sens avec la coupure de l'Europe universitaire, à partir du XVIe siècle, en fonction des barrières confessionnelles et étatiques, puis avec la disparition du latin comme langue internationale d'enseignement universitaire[1],[2]. L'Europe chrétienne, notamment la Sicile, fut également visitée, entre le Xe siècle et le XIIe siècle, par de grands géographes arabes[3].

De XVIe au XVIIIe siècle

La pratique renaquit au milieu du XVIe siècle sous le nom de Grand Tour, appelé aussi, dans les pays du Saint-Empire romain germanique, Junkerfahrt ou Cavaliertour, qui avait d'abord pour but de parfaire les humanités et la pratique des arts de la cour (art équestre, escrime, musique, danse) des jeunes gens de l'aristocratie. Le voyage leur permettait de devenir un « compleat gentleman » (Peacham, 1623). Il servait à la formation politique des jeunes gens, leur permettant de comparer les systèmes politiques de Grande-Bretagne (puis du Royaume-Uni) et des États continentaux. Il leur permettait aussi de nouer des liens amicaux avec des individus du même milieu social, promis au même type d'avenir diplomatique, militaire, politique ou commercial dans les autres pays. La découverte de la superstition des populations rencontrées était aussi censée renforcer l'anglicanisme des voyageurs. C'était au cours du Grand Tour enfin que les jeunes gens se frottaient aux langues vivantes. Le Grand Tour avait parfois une dernière fonction éducatrice : l'éducation sexuelle. L'étape à Venise avait longtemps servi ce but, servant à traiter des chagrins d'amour ou offrant un programme érotique inavoué. Pour ceux allant plus loin, l'idée était la même. Le premier voyage de Lord Byron, accompagné de Hobhouse fut un voyage typique du Grand Tour, avec le double but de la formation intellectuelle et virile. Il écrivait à sa mère qu'il voyageait pour sa formation intellectuelle : « Je pars maintenant pour Athènes pour apprendre le grec moderne qui diffère tant du grec ancien, tout en en étant radicalement similaire ». En même temps, juste avant de s'embarquer, il précisait à Henry Drury ce que leur ami commun Hobhouse prévoyait de : « se rembourser en Turquie d'une vie de chasteté exemplaire à la maison en accordant son beau corps à l'intégralité du Divan ». Cependant d'autres familles, notamment allemandes et hollandaises, chaperonnaient leur fils avec un tuteur strict pour les surveiller et leur empêcher ce genre de relations, de peur que leur fils ne soit victime de maladies vénériennes. C'était notamment le cas des riches familles de négociants qui ensuite plaçaient leur fils dans différents bureaux ou comptoirs de leur réseau et ne voulaient pas courir de risque mortel.

Au retour, le voyage avait une fonction sociale. Il constituait un élément de reconnaissance ou d'ascension sociale. Il affirmait les moyens financiers, et la culture du voyageur, avant son départ, et à son retour. Le but du voyage n'était pas d'aller voir autre chose, d'aller se forger une culture propre, mais d'aller voir ce qui devait être vu, de se forger une culture commune. L'important était de pouvoir au retour partager des anecdotes et des souvenirs. C'était pour cette raison que l'on visitait toujours les mêmes hauts lieux culturels. Le récit de voyage avait alors une fonction importante, celle de faire reconnaître cette expérience acquise et cette culture commune qui renforceraient les liens sociaux.

Au cours de ces voyages, les jeunes gens achetaient, suivant leurs moyens, des pièces d’art et d’antiquités et visitaient les ruines antiques romaines, ainsi que Pompéi et Herculanum qui avaient été récemment découverts. Au retour, les jeunes gens pouvaient alors adhérer à la Société des Dilettanti, puisque la principale condition pour y entrer était d'avoir voyagé en Italie et d'avoir un intérêt pour l'art et les antiquités. Une étape importante du voyage était la réalisation pendant leur séjour prolongé à Rome d'un portrait par l'un des peintres en vue du moment. Parmi les peintres italiens qui bénéficiaient de cette clientèle, citons Pompeo Batoni. De nombreux peintres, graveurs et sculpteurs étrangers vivant à Rome, notamment les élèves de l’Académie de France à Rome, bénéficiaient aussi de cette pratique[4]. Ils vendaient leurs œuvres et parfois louaient leur service en tant que guide. Il en est ainsi pour les Allemands Mengs et Maron par exemple. Les voyageurs les plus fortunés se faisaient peindre à côté d'un monument célèbre, d'autres achetaient des vues peintes ou gravées des monuments visités (voir Abraham-Louis-Rodolphe Ducros à Rome et à Naples). Ces souvenirs, disposés dans leurs demeures, rappelaient aux visiteurs qu'ils avaient eu le privilège de voyager aux sources du monde civilisé[5].

La pratique du Grand Tour devint moins fréquente pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire. Le continent proche étant interdit, les jeunes gens partirent donc plus loin, vers la Grèce et le Levant. Le Grand Tour reprit à la Restauration sans connaître toutefois la popularité du siècle précèdent.

Le Grand Tour occasionnait la publication de nombreux livres de voyage et guides dont un des premiers utilisé fut An Account of Some of the Statues, Bas-Reliefs, Drawings, and Pictures in Italy (1722), écrit par les peintres britanniques Jonathan Richardson (1665-1745) et son fils Jonathan Richardson le Jeune (1694-1771).

XIXe siècle

Au XIXe siècle, avec l'industrialisation des modes de transport et la démocratisation des voyages, leur élargissement à de nouvelles classes sociales et l'apparition des premières agences de voyage, ceux qui se rendent en Italie s'intéressent plus particulièrement à l'actualité politique et militaire qui conduit à l'unification du pays en 1870[6].

Afin de contourner la censure, les artistes choisissent des sujets ou des styles italianisant, en résonance avec l'actualité de la Péninsule[7].

Yves Gingras, Lyse Roy, Les Transformations des Universités du XIIIe Au XXIe Siècle, PUQ, 2006, p. 212. (en) Rudolf Stichweh, « From the Peregrinatio Academic a to Contemporary International Student Flows: National Culture and Functional Differentiation as Emergent », dans Christophe Charle, Jürgen Schriewer et Peter Wagne (dir.), Transnational Intellectual Networks: Forms of Academic Knowledge and the Search for Cultural Identities, Francfort/ Main, 2004, p. 351-352 (it) Carlo Ruta, Il Mediterraneo al tempo di al-Idrīsī : Relazioni tra Nord e Sud, Oriente e Occidente, Raguse, Edizioni di storia e studi sociali, 2017. Parmi les Flamands, citons Michael Sweerts qui peignait les fils de famille fortunés des Pays-Bas en séjour à Rome. (en) Ducros, Abraham-Louis-Rodolphe, 1748-1810., Greater London Council., Musée cantonal des beaux-arts Lausanne. et Iveagh Bequest, Kenwood (London, England), Images of the Grand Tour : Louis Ducros 1748-1810., Genève, Editions du Tricorne, 1985, 111 p. (ISBN 2-8293-0060-2, OCLC 13239444, lire en ligne) Roelly 2023, p. 12. Roelly 2023, p. 14.
Photographies by:
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