وليلي

( Site archéologique de Volubilis )

Volubilis (en berbère : ⵡⴰⵍⵉⵍⵉ - en arabe : وليلي walili) est le vestige d'une ville romaine construite sur l'ancien site d'une ville punico-berbère, qui fut capitale du royaume de Maurétanie, située dans la plaine du Saïss, dans le Nord marocain, sur les bords de l'oued Rhoumane, rivière de la banlieue de Meknès, non loin de la ville de Moulay Driss Zerhoun où repose Idriss Ier, fondateur de la dynastie des Idrissides.

Partiellement découverte de nos jours, la cité antique éclôt à partir du IIIe siècle av. J.-C. en tant qu'établissement punique et se développe rapidement à partir du moment où elle entre dans le giron romain, pour dépasser une superficie de ...Lire la suite

Volubilis (en berbère : ⵡⴰⵍⵉⵍⵉ - en arabe : وليلي walili) est le vestige d'une ville romaine construite sur l'ancien site d'une ville punico-berbère, qui fut capitale du royaume de Maurétanie, située dans la plaine du Saïss, dans le Nord marocain, sur les bords de l'oued Rhoumane, rivière de la banlieue de Meknès, non loin de la ville de Moulay Driss Zerhoun où repose Idriss Ier, fondateur de la dynastie des Idrissides.

Partiellement découverte de nos jours, la cité antique éclôt à partir du IIIe siècle av. J.-C. en tant qu'établissement punique et se développe rapidement à partir du moment où elle entre dans le giron romain, pour dépasser une superficie de 42 hectares.

La parure monumentale de la ville se développe particulièrement au IIe siècle, à la suite de l'enrichissement économique de la région. Située dans une région aux riches potentialités agricoles, cette ville vivait du commerce de l'huile d'olive. En effet dans ses ruines de nombreux pressoirs à huile sont présents. Cet enrichissement se traduit également dans l'architecture privée par la construction de vastes villas pourvues de belles mosaïques, la cité apparaissant comme « un centre de rayonnement de la civilisation romaine en Maurétanie Tingitane » selon Brahmi.

La région, jugée indéfendable, est abandonnée par les autorités impériales romaines en 285. La ville, communauté urbaine christianisée, puis cité musulmane, continue d'être habitée pendant sept siècles. La dynastie idrisside y est fondée au VIIIe siècle. Au XIe siècle, le site est abandonné et la population est transférée à 5 km de là, vers la cité de Moulay Driss Zerhoun. La ville ne subit pas de dégradations conséquentes semble-t-il jusqu'à un tremblement de terre au milieu du XVIIIe siècle. Par la suite, les ruines sont utilisées comme carrière, en particulier pour les constructions de Meknès.

Identifié plus tardivement au XIXe siècle, le site fait partie du patrimoine protégé du Maroc depuis 1921. Le site fait l'objet de fouilles archéologiques depuis le début du XXe siècle et la moitié seulement en est dégagée à ce jour. La qualité des trouvailles et du site a abouti à son classement sur la liste du patrimoine mondial par l'UNESCO. « Exemple éminent d'un ensemble architectural illustrant l'organisation de l'administration punique, pré-romaine et romaine en Afrique, [Volubilis] est aussi le lieu de permanence des sociétés qui ont habité le Maghreb extrême » selon Limane, Rebuffat et Drocourt.

Des origines à l'annexion par Rome Carte de la présence carthaginoise en Maurétanie Présence carthaginoise en Maurétanie.Des origines aux guerres puniques

Le site de Volubilis, avec « toutes les caractéristiques d'un refuge naturel, du type de l'éperon barré »[A 1] est occupé dès le Néolithique, mais il naît en tant qu'entité urbaine à l'époque maurétanienne, où la ville joue le rôle de capitale du royaume de Maurétanie[1], aux IVe – IIIe siècle av. J.-C.[D 1] et se développe surtout au IIe siècle av. J.-C. Les vestiges les plus anciens, essentiellement haches polies, meules et également polissoirs, sont rares et trouvés hors contexte archéologique[A 2]. Des fouilles entreprises sous le quartier sud de la ville pourraient apporter la preuve d'une installation néolithique[A 3].

Les Phéniciens puis les Puniques fréquentent très précocement les côtes africaines[A 4] à partir du Ier millénaire av. J.-C. et leur civilisation pénètre l'intérieur des terres à partir de comptoirs, dont Lixus et Tanger[A 5]. Les Puniques de Carthage fréquentent la zone géographique à partir du IVe siècle av. J.-C. : avec les échanges commerciaux, la langue et les institutions puniques pénètrent dans l'actuel Maroc[A 4]. Quatre inscriptions en langue punique ou néo-punique ont été découvertes sur le site, malheureusement fragmentaires[A 6]. Des inscriptions en langue libyque ont également été retrouvées, mais non encore déchiffrées[F 1].

Au nord du Maroc actuel, la ville intègre au IIe siècle av. J.-C.[B 1] le royaume indigène de Maurétanie qui se développe, même si les frontières en sont encore floues[A 5]. La région est influencée par la civilisation grecque au travers de la diffusion des objets. Cette influence grecque passe d'abord par Carthage, avant d'être le fait de Grecs présents à la cour numide[E 1].

Les techniques de constructions et les artéfacts retrouvés soulignent cette même influence. Cependant la cité, comme la Maurétanie, combat Carthage aux côtés de Massinissa, allié des Romains[A 7]. Dans les guerres puniques, les rois maurétaniens jouent « un jeu complexe d'alliances et de retournements ». Baga s'allie à Massinissa contre Carthage[A 7]. La cité reste à l'écart des circuits commerciaux méditerranéens jusqu'au règne de Bocchus[2], mais à la fin du IIe siècle av. J.-C., la situation évolue grâce à des importations, entre autres, de céramiques, de vin de Campanie, d'huile et de garum[B 1].

Une cité d'un royaume allié de Rome Vue générale Vue d'ensemble.Fragment de stèle néo-punique avec inscription Inscription fragmentaire découverte en surface dans le secteur du tumulus de Volubilis. Fin du IIe siècle av. J.-C. Stèle funéraire portant un motif identifié à un bouclier. Il ne subsiste de l'inscription que les deux dernières lignesː « stèle qu'a voué [...] fils de [...] le suffète qui est mort dans une vieillesse heureuse à l'âge de 90 ans. Il est originaire de QFGWD ».

Le royaume maurétanien est unifié après la chute de Carthage en 146 av. J.-C. à l'issue de la troisième guerre punique[A 4]. Le roi Bocchus, à la charnière du IIe et du Ier siècle av. J.-C., est également par la suite un allié de Rome contre Jugurtha[A 7], « dernière tentative d'un prince numide d'échapper à l'emprise romaine en Afrique »[L 1]. La Maurétanie de Bocchus s'étend vers l'est du fait de l'intégration d'une partie du royaume de Jugurtha[A 7].

Les fils de Bocchus Ier, Bogud et Bocchus, se partagent le royaume de leur père. Alliés tous deux de Jules César, ils prennent des partis différents après les Ides de mars et sont donc partie prenante à la guerre civile romaine. Bogud, allié de Marc Antoine, est tué en 38 av. J.-C. et le royaume de Maurétanie est réunifié[A 8]. À la mort de Bocchus II en 33 av. J.-C., le royaume sans souverain est administré par Rome qui installe des vétérans dans les colonies de Tingis, Banasa, Zilil et Baba[A 9].

Le roi de Numidie Juba Ier met fin à ses jours et son fils, le futur Juba II, est emmené à Rome où il est élevé au sein de la cour. Il y reçoit « une éducation gréco-romaine très complète » et devient un des grands savants de son temps, écrivant en grec ancien[E 2]. La langue punique, attestée au IIe siècle av. J.-C., se maintient dans sa composante néo-punique à partir de 100-80 av. J.-C[A 6] jusque sous Juba II[D 2]. Placé sur le trône en 25 av. J.-C. par Auguste[A 4], il est en 19 av. J.-C. marié à Cléopâtre Séléné, fille d'Antoine et de Cléopâtre[B 1], et sa capitale est Iol, actuelle Cherchell, « creuset où se mêlaient les cultures indigène, punique, grecque et romaine »[E 2]. Jérôme Carcopino (suivi par Prévot et d'autres) pense que Volubilis est une résidence royale pendant son règne[K 1],[B 1], mais cette situation ne dure pas[A 10] et les indices d'une telle qualification sont ténus, avec les œuvres d'art uniques que sont le portrait de Juba ou celui de Caton[A 11]. Le souverain soutient Rome dans la répression de révoltes numides[A 10].

Le couple royal s'engage à « représenter fidèlement les valeurs de Rome, à les propager et à s'en faire les garants ». Le mode de vie romain se serait développé à partir des couches sociales privilégiées dans les deux siècles de la Pax Romana[E 3]. La majeure partie de la population reste autochtone[A 11].

Ptolémée, son fils, lui succède en 23 apr. J.-C.[A 10]. Le royaume tenu par un « Roi allié et ami de Rome », cette dernière profitait tout à la fois du commerce et de la sécurité pour deux provinces importantes, la Bétique et l'Afrique proconsulaire[A 10].

Tête de Juba II en marbre provenant de Cherchel Tête de Juba II en marbre provenant de Cherchel.

La ville, qualifiée d'oppidum par Pline l'Ancien (au début du « livre V » de son Histoire Naturelle), se développe sur plus de 10 hectares. Elle est protégée, sous le règne de Juba II, par une enceinte en briques crues, avec des maisons de même matière à l'intérieur. La cité royale maurétanienne avait peut-être à cette époque une superficie de 12 hectares[J 1]. La cité maurétanienne est prospère, dispose de monuments importants[C 1] et le commerce est attesté par les découvertes archéologiques : céramique campanienne importée, amphores italiques Dressel « 18 », monnaies de Gadès et monnayage local en particulier sous Juba II[A 11]. La cité est ouverte aux influences extérieures durant cette phase de son histoire, punique puis romaine, ce qui facilite peut-être la romanisation ultérieure[A 11]. Après l'annexion de la Maurétanie à l'Empire romain, un tumulus est élevé sur l'angle nord-est de l'enceinte. C'est certainement un monument commémoratif érigé à la mémoire des soldats morts au cours de la guerre contre Ædemon. Avant la provincialisation de la Maurétanie tingitane, Volubilis est une cité montrant des traits de romanisation : certains des magistrats comme le fameux Marcus Valerius Severus, portent des noms romains et sont inscrits dans la tribu romaine Galeria[A 12],[3], ce qui indique l'obtention de la citoyenneté romaine[4].

Volubilis sous le contrôle direct de Rome Alliée indéfectible de Rome Localisation de la Maurétanie Tingitane dans l'Empire romain Position de la Maurétanie tingitane dans l'Empire romain.Inscription romaine dont le texte évoque le changement juridique de Volubilis Inscription qui rappelle la transformation de Volubilis en municipe romain, sous le règne de Claude, qui confère aux habitants de Volubilis la citoyenneté romaine. Base de statue inscrite sur deux faces, trouvée en 1923 dans une salle à l'est de l'area du capitole, calcaire[5].

L'empereur Caligula fait assassiner le roi maurétanien Ptolémée[A 4] en 40 apr. J.-C.[B 1]. S'ensuit une révolte contre l'Empire menée par Aedemon, affranchi de Ptolémée[M 1]. Volubilis se range alors résolument dans le camp des Romains en créant une milice d'auxiliaires[J 1] qui contribue à l'anéantissement de la révolte. 20 000 hommes, légionnaires et auxiliaires, sont nécessaires pour mater la révolte qui occasionne des destructions comme peuvent en témoigner des traces archéologiques[A 13]. La révolte se poursuit après la mort d'Aedemon et « l'ancien royaume maurétanien [est] livré à l'anarchie »[A 13]. L'appui de Volubilis à Rome lui coûte cher[B 2] et la cité demande à un notable local, Marcus Valerius Severus, de plaider sa cause auprès du nouvel empereur[A 13],[6] Claude[B 3] et d'obtenir une récompense du fait « de leur loyalisme et de leur aide militaire »[A 12]. Cet appui témoigne d'un processus de romanisation antérieur à la mainmise totale de Rome[A 14].

Fin 42 apr. J.-C. ou début 43 apr. J.-C.[A 14], l'Empire romain annexe le royaume de Maurétanie qui est divisé en Maurétanie tingitane (avec Tingis comme capitale) à l'ouest et Maurétanie césarienne à l'est (avec Iol Caesarea comme capitale)[J 1]. La province est gouvernée par un procurateur de l'ordre équestre nommé par l'empereur[A 15]. Volubilis est récompensée de sa loyauté par l'empereur Claude qui lui attribue en 44[7] le statut de municipe romain[M 2],[I 1] : tous les habitants libres de Volubilis, antérieurement pérégrins[A 12], sont désormais des citoyens romains[4],[K 1]. La cité obtient sans doute d'autres avantages[A 14], en particulier dans le domaine du droit du mariage (statut de citoyen pour enfants avec femmes pérégrines), des successions, et également des avantages fiscaux pendant dix ans[A 16].

Cette évolution du statut de la cité entraîne un programme de travaux importants et des changements majeurs au plan institutionnel et religieux[F 2]. L'occupation romaine est cependant ténue, les conquérants prenant essentiellement appui sur le réseau urbain hérité de l'époque punique et des créations coloniales augustéennes[A 14]. Volubilis devient dans l'Afrique romaine « l'élément le plus avancé du dispositif [faisant] face aux tribus semi-nomades », avec trois camps associés et des tours[A 4], et elle est reliée à la capitale de la Tingitane, Tingis[K 1],[B 3]. La cité déborde l'enceinte dès la seconde moitié du Ier siècle et des quartiers sortent de terre au IIe siècle. À la fin de ce siècle et au début du IIIe siècle, sous les Sévères, une activité édilitaire importante touche les monuments publics[C 1].

Cité prospère intégrée à la romanité Volubilis en 125 Volubilis dans la Maurétanie tingitane en 125.

La ville s'enrichit grâce à l'exploitation de son arrière-pays[K 1] et en particulier l'oléiculture et le commerce de l'huile, bien que située aux marges du monde romain et loin des côtes : la cité volubilitaine est « emblématique [des] cités prospères de l'Afrique romaine »[E 3]. Le mode de vie romain se diffuse par l'adhésion des élites présentes, qui intègrent les institutions municipales mises en place sur le modèle romain[K 1],[B 3] et connues par des inscriptions[J 1] : des décurions, deux duumvirs annuels et deux édiles chargés de missions spécifiques (marchés, jeux, voirie)[K 2]. Ces élites se font bâtir des demeures pourvues de tout le confort de la vie romaine[A 17]. La romanisation intègre « les fonds punique et berbère »[A 16]. Autonome, la cité est dirigée par des élites locales favorisées par le pouvoir romain qui s'attache ainsi leur fidélité[A 16].

Ces élites accompagnent le développement de la parure monumentale du cadre urbain, « marques les plus évidentes de la romanisation »[A 18] : un forum, quatre édifices thermaux publics et des maisons sont construits. Un aqueduc apporte l'eau des sources du djebel voisin jusqu'à deux fontaines publiques, les thermes et les maisons. Deux puits et une citerne complètent ce réseau. Les maisons se couvrent de toits à double pente en tuiles romaines. Un temple avec ses lieux d'offrandes et de sacrifices se construit sur les pentes du tumulus. En 168-169, la construction est limitée par l'édification d'un rempart avec huit portes, dont la porte de Tanger, et une quarantaine de tours[J 1]. La superficie de la ville est alors de 42 hectares[L 2]. Des édifices publics sont agrandis, d'autres sont bâtis. Des maisons richement décorées de mosaïques sont dotées de thermes privés. On trouve de nombreuses installations commerciales et artisanales. Un portique borde le decumanus maximus (voie principale) depuis la porte de Tanger jusqu'au-delà de l'arc de triomphe, dédié à Caracalla[8] pour le remercier d'avoir accordé une remise des arriérés d'impôts à la province, remise connue par l'édit de Banasa[9].

Ces faveurs garantissent une forte prospérité pour les grandes familles, c'est une période de grands projets architecturaux qui marque l'apogée de la ville au début du IIIe siècle[A 19],[B 3]. Hormis la cité et l'espace protégé par les fortins, Volubilis avait une zone d'influence dans laquelle vivaient des tribus berbères dont celle des Baquates[G 1].

La province de Maurétanie tingitane sous le Haut-Empire romain
Carte de localisation de Volubilis dans l'Afrique romaine 
Localisation de Volubilis dans le limes africanus au sud de la province romaine de Maurétanie tingitane.
Carte des villes et pistes de Maurétanie tingitane 
Villes et principales pistes en Maurétanie tingitane.
Carte des installations romaines en Maurétanie tingitane 
Colonies et municipes romains en Maurétanie tingitane.
Après l'époque romaine Cité livrée à elle-même Autel de la paix de 200 Autel de la paix, découvert en 1952 et daté du 06 mars 200. Le procurateur associe Septime Sévère et ses fils Caracalla et Géta, dont le nom a été martelé par la suite[A 20].Vue des ruines de Volubilis avec au fond le village de Moulay Idris Les ruines de Volubilis avec au fond à flanc de colline (la tache blanche) le village de Moulay Idris où se trouve le tombeau d'Idriss Ier.

Le site connaît un fort ralentissement de l'activité édilitaire après les Sévères[C 2]. Les dernières traces d'une activité municipale sont constituées par deux autels et une base de statue dédiée à Probus[K 3], empereur dont le règne prend fin en 282[A 21]. Les deux autels dits de paix sont conservés au musée de site de Volubilis : le premier est daté entre janvier 140 et décembre 140 et date du règne d'Antonin le Pieux ; réalisé sur une pierre de remploi, il s'agit d'une dédicace à l'empereur d'un Baquate latinisé, Aelius Tuccuda[10],[A 22]. Le second est daté du 6 mars 200 et le procurateur évoque Septime Sévère et ses fils, ainsi que deux princes baquates, dont Ililasen, fils d'Uret[11],[A 20]. Douze inscriptions évoquent les relations régulières entre Romains et Baquates lors de colloquia et permettent de renseigner l'aire d'influence de Volubilis[G 2]. Le prince baquate fait reconnaître son pouvoir tout en faisant allégeance à Rome et à ses divinités[G 3]. Les découvertes épigraphiques faites dans l'édifice dit palais de Gordien témoignent du déclin de la cité et de la chute finale. En effet, une série de traités sont signés avec les chefs berbères locaux, et leur nombre augmente au fur et à mesure que la ville devient plus vulnérable, et que les membres d'une tribu prennent plus d'assurance. Au temps du dernier traité, juste quelques années avant la chute de la ville, les chefs berbères étaient considérés comme des égaux de Rome, et cela est un signe de la perte de pouvoir de Rome dans la région. Les deux derniers autels inscrits retrouvés, de 277 et 280, évoquent « une paix fédérée et durable », vœu pieux car Volubilis est tombée quelque temps plus tard.

Vers 285, après la grave crise du troisième siècle, les autorités impériales romaines — armée et administration — décident d'évacuer la ville et toute la région au sud du Loukkos et de se replier sur Tanger[A 19]. La province romaine est alors réduite de plus de moitié[A 19]. Cette décision « participe plus d'une stratégie impériale de repli général en Afrique du Nord que d'une aggravation de l'insécurité locale », basée également sur une localisation excentrée ainsi qu'un moindre enjeu économique et stratégique[A 23]. L'évacuation touche aussi les cités de Banasa et Thamusida[A 21]. Les circonstances précises restent méconnues[J 2]. La Tingitane est rattachée alors administrativement à l'Espagne sous Dioclétien[A 21]. Les quartiers sont toujours habités au IVe siècle[AA 1].

Les habitants, « romanisé[s] mais berbère[s] d'origine »[A 24], « sont livrés à eux-mêmes »[A 25] et l'activité de la cité se réduit[B 4]. La ville change et des transformations urbaines ont lieu, mais la transition n'est pas brutale[AA 2]. Le retrait des Romains se traduit aussi par des changements de mode de vie. L'aqueduc n'est plus correctement entretenu et la ville se déplace : les habitants abandonnent les parties hautes pour se rapprocher de la rivière[A 26],[C 2], dans un nouveau quartier[B 5]. Les maisons, d'abord entretenues dans le style romain par des matériaux de remploi, sont peu à peu modifiées. Les institutions municipales tombent peu à peu en désuétude ; la vie politique et municipale n'est pas connue à ce moment de l'histoire de la cité volubilitaine[C 2]. Des témoins de liens ténus avec l'Empire romain ont été découverts en fouilles, comme des monnaies des empereurs Constantin II, Constance II, Gratien et Théodose[A 26]. L'invasion des Vandales, venus d'Espagne en 429, et débarqués près de Tanger avec leur chef Genséric[A 27], marque la fin de la période romaine.

La ville semble subir un tremblement de terre à la fin du IVe siècle[AR 1]. L'habitat se déplace vers l'ouest à la fin du VIe siècle au plus tard et l'enceinte est construite ou réparée[AA 3]. Le latin reste en usage dans la ville au VIIe siècle[A 19], jusqu'en 681[A 27]. Encore à la fin du VIIIe siècle, « la ville de Volubilis [est] une des plus importantes agglomérations du Maroc »[C 2].

Déclin et fin de la cité

L'histoire médiévale du site est très lacunaire, présentant des sources arabes « brèves, discontinues et souvent confuses ». Les premières mentions arabes sont datées de la fin du IXe siècle, alors que le site est déjà abandonné. L'archéologie a permis de livrer des monnaies datées de Hassan Ibn Numan et Moussa Ibn Noçaïr, à la charnière des VIIe siècle et VIIIe siècle[AR 2].

Vers 600, l'habitat se replie progressivement sur la pente ouest, à l'intérieur d'une enceinte[A 25] construite vers la fin du VIe siècle avec des matériaux de remploi[B 5]. Les fortifications sont prolongées du côté de l'oued Khoumane. L'histoire de la ville à cette époque est peu documentée[B 5]. On construit de nouvelles maisons et le nouveau rempart, dit aussi enceinte tardive[J 2], grâce à des blocs prélevés sur les édifices des autres quartiers. Dans la première moitié du VIIe siècle, la zone autour de l'arc devient une nécropole chrétienne[J 2],[A 19].

En 681, la conquête islamique se répand dans tout le Maghreb, mais Volubilis va cependant obtenir une certaine indépendance au VIIIe siècle à en juger d'après les monnaies préidrissides. Un quartier est occupé par les nouveaux maîtres du Maghreb au bord de l'oued[A 19] car de nouvelles populations s'installent[B 5]. Les habitants de la cité se convertissent peu à peu à la religion musulmane, et une monnaie locale est frappée ici de 722 à 789[A 27]. L'époque islamique a livré des thermes et également des cimetières[A 28]. Les sources arabes témoignent de l'« islamisation précoce de la cité antique »[AA 4].

En 788[B 5] ou 789, Idrîs Ier, un descendant de Hasan surnommé Az-Zakî (vertueux) fils aîné d'`Alî et de Fâtima fille de Mahomet, s'enfuit pour échapper aux persécutions abbassides. Il s'installe à Volubilis, peut-être alors dominée par les Awraba[AR 2], et la ville lui sert de base pour ses expéditions militaires dans le processus de création du royaume idrisside[A 19],[B 6], « signe d'un rayonnement local que n'avait pas éteint l'abandon officiel »[A 29]. La cité s'étend à l'est[B 5], et des monnaies d'argent et de bronze y sont frappées de 789 à 825[A 28]. Le quartier général des Idrissides s'installe non loin de l'oued Khoumane[AR 3]. Idris Ier est assassiné en 791[J 2], « peut-être empoisonné par un émissaire du Khalife Haroun er Rachid, inquiété par cette fulgurante ascension »[A 27]. Avec la fondation de Fès par Idrîs Ier[J 2] (789), ou par Idris II[AR 4] en 808[A 27], Volubilis perd encore de son importance en abandonnant son rôle de capitale. L'archéologie rend compte d'une faible activité économique[AR 5].

Carte de l'empire abbasside vers l'an 820 Carte de l'empire abbasside vers l'an 820.
Idrissides Dynastie abbasside Aghlabides Makurie islam dès le siècle 14 Royaume d'Aksoum

En 818, Volubilis accueille des Andalous chassés de Cordoue[J 2],[AR 4] et rescapés d'un massacre[A 27]. Ceux-ci s'installent en bordure de l'oued Khoumane. Le site continue d'être occupé de façon permanente jusqu'au XIe ou XIIe siècle[A 25], jusqu'à l'époque almoravide[J 3] de manière significative jusqu'au XIVe siècle[A 28].

Au XIIe siècle, la ville est en ruines selon Ibn Saïd al Gharnati[A 30]. Sous les Mérinides, la ville est lieu d'un pèlerinage dédié à Idris Ier à la suite d'une apparition en 1318-1319, et le site est réoccupé[AR 4]. Le site est appelé Ksar Pharaoun (château du pharaon) à partir de la seconde moitié[AR 4] du XIVe siècle[J 3]. Jean Léon l'Africain l'appelle ainsi en 1550 dans une Description de l'Afrique[A 30]. Le corps d'Idris Ier est transféré à Moulay Idriss Zerhoun[AR 1]. Le site est sans doute occupé après les Mérinides mais sans laisser de traces archéologiques, attestant « une perte de vitesse après la décadence mérinide »[AB 1].

La ville romaine sert de carrière pour les matériaux de construction. En effet, durant le règne du « roi bâtisseur » Ismaïl ben Chérif, entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle, tout le marbre et autres piliers encore utilisables dans la ville antique de Volubilis sont pillés et transportés à la cité impériale de Meknès[12]. Cette récupération est relatée par la tradition qui évoque également la construction du mausolée de Moulay Idriss à Zehroun[AB 1]. Le site est encore occupé au XIXe siècle, mais très faiblement[AB 1].

Redécouverte, fouilles et mise en valeur du site Sources antiques et modernes Les ruines de la basilique en 1887 Les ruines de la basilique en 1887, photographie de Henri Poisson de La Martinière (1859-1922).

Dans les sources antiques, Volubilis est mentionnée sous la forme Volobilis par Pomponius Mela, un historien et géographe romain du Ier siècle, dans son œuvre De situ orbis libri III ou De chorographia, et par Claude Ptolémée, un astronome romain vivant à Alexandrie au IIe siècle dans son livre Géographie[13]. Pline l'Ancien, écrivain et naturaliste romain, la dénomme Volubile oppidum et la localise près de Banasa[13]. Le guide de voyage de l'époque romaine, l'itinéraire d'Antonin évoque sa localisation entre Tocolosida au sud et Aquæ Dacicæ au nord et la considère comme une colonie romaine appelée Volubilis Colonia[13].

Jean Hardouin, jésuite et érudit français de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle qui édite l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, considère à tort que la ville de Fès et Volubilis sont la même ville Volubilis Colonia[13].

Des premiers voyageurs à l'identification Gravure représentant l'arc de Volubilis au XVIIIe siècle L'arc de Volubilis selon la gravure réalisée par Henry Boyde au début du XVIIIe siècle.

Les ruines font l'objet des premières descriptions vers 1720 par le biais de gravures effectuées par des Anglais dont le premier est Henry Boyde[14], prisonnier d'Ismaël du Maroc[B 7], qui représente l'arc de triomphe. John Windus représente le même édifice ainsi que la basilique[A 31]. D'autres représentations sont réalisées en 1830. Ces gravures laissent entendre une dégradation des vestiges en raison du tremblement de terre de 1755[A 31],[B 7].

En 1871, le diplomate et archéologue français Charles Tissot visite le site, l'identifie[B 1] et y travaille à des relevés. Son collègue Henri de La Martinière y procède à des fouilles et à des relevés en 1888 puis en septembre-octobre 1889[15] dans des conditions de sécurité difficiles du fait de la présence de groupes d'insoumis armés rebelles et de l'absence dans la région de troupes du « sultan de Fès » susceptibles de la sécuriser. Il collecte de nombreuses inscriptions latines et en rapporte 34 estampages d'inscriptions dont deux grecques et un plan de la ville romaine, ainsi que les premières photos en absolu du site et des monuments de Volubilis[16],[A 31]. Le terme Volubilitani de l'inscription de l'arc permet alors d'identifier le site archéologique[J 4].

À partir du XXe siècle, exploration archéologique et mise en valeur du site Photographie ancienne d'un socle de statue avec un Marocain Un socle de statue avec un Marocain à l'arrière-plan, photographie du début du XXe siècle. Ce type de représentation est typique de l'époque.Vestiges de rails ayant servi lors des fouilles Vestiges de rails d'un système dit Decauville ayant servi lors des fouilles.

La cité est partiellement fouillée et aménagée à partir de 1915[J 1], sous le protectorat français, année qui voit l'installation du Service des Antiquités sur le site de Volubilis[J 4] : le site de l'arc[14] et de la basilique est dégagé en particulier par l'apport de la main-d'œuvre constituée de prisonniers allemands[A 31]. En octobre 1915, la direction des fouilles est confiée à Louis Chatelain[17], directeur du Service des antiquités du Maroc auquel succède Raymond Thouvenot dans les années 1930. Alors que les premières fouilles s'intéressaient au centre monumental, le second s'intéresse aux fouilles des demeures. Les premières fouilles négligent les structures tardives et sont confuses pour « les niveaux post-romains »[AA 4], les archéologues étant pressés de parvenir aux « ensembles monumentaux et [aux] œuvres d'art »[A 21]. Les méthodes utilisées lors de ces fouilles anciennes sont insuffisantes pour percevoir l'évolution de la cité. En effet, il n'y a pas eu de fouilles stratigraphiques systématiques ce qui pose problème pour l'étude de l'évolution urbaine[A 32]. De même, les couches les plus récentes ont été négligées lors des fouilles anciennes qui ont souffert d'un « dégagement hâtif »[A 33], rendant difficile la connaissance de l'histoire de la cité durant l'antiquité tardive et le Moyen Âge islamique. On rencontre le même problème sur bien d'autres sites fouillés, en particulier à Dougga dans l'actuelle Tunisie.

Sous l'Indépendance, les fouilles sont réalisées par des archéologues marocains et des collaborations étrangères, et s'intéressent au quartier tardif[A 31]. Des fouilles ont lieu dans les années 1960 et 1970, mais ces travaux négligent la céramique commune. Ce fait rend difficile l'étude céramologique sur le site pour la période tardive, sans étude stratigraphique[AB 2]. Les fouilles stratigraphiques d'un secteur à l'est de la ville tardive ont lieu à la fin des années 1980 et au début des années 1990[AA 5]. De nouvelles fouilles maroco-anglaises ont lieu au sud de l'enceinte et des thermes islamiques dans les années 2000[AB 3]. La céramique collectée lors de ces fouilles s'étale jusqu'au XIXe siècle[AB 4].

Aujourd'hui, ce sont 40 hectares de vestiges qui s'étendent au milieu des oliveraies et des champs, les zones fouillées représentent au début du XXIe siècle moins de la moitié du site[A 31]. Selon Morel Deledalle, la surface fouillée est d'« un dixième de la superficie de son territoire » et concerne la partie orientale de la ville[L 2]. Quelques monuments prestigieux ont été restaurés pendant le XXe siècle, l'arc, la basilique et le Capitole. Le site est classé le 14 novembre 1921[J 4]. La qualité de conservation remarquable des mosaïques et l'exceptionnelle préservation du site ont incité le Maroc à proposer le site au classement international en juillet 1995 et l'UNESCO à le classer au patrimoine mondial de l'humanité lors de la session réunie à Naples le 6 décembre 1997[J 4],[J 2],[E 4].

En 1965, 3 mosaïques provenant du site de Banasa (l'ancienne colonie romaine Julia Valentia Banasa située sur une voie romaine de la Maurétanie Tingitane, au Nord-Ouest du pays) ont été ajoutées aux vestiges conservés à Volubilis. Les mosaïques des deux sites sont les mieux datées, de 40 au milieu du IIIe siècle[J 5]. Cependant, la conservation des œuvres pose toutefois problème[AD 1] : auparavant protégées, elles sont désormais exposées au soleil, au vent, aux lichens et aux visiteurs qui peuvent les fouler librement ; les interventions ont également pu les dégrader et les tesselles ont parfois été arrachées[AD 2]. Ces fleurons du site, ont été laissées in situ et non protégées, ce qui occasionne une dégradation du fait des précipitations mais également du fait « des restaurations catastrophiques qui leur ont été infligées »[B 8]. Des mosaïques ont été étudiées pour comprendre les mécanismes de dégradation, et certaines ont pu être remises en place[AD 3]. Le sol sur lequel est posé les mosaïques est responsable pour partie de leur état, les sols calcaires offrant une base stable mais le vertisol posant davantage de problèmes de conservation[AD 4].


Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « A », mais aucune balise <references group="A"/> correspondante n’a été trouvée

« Site archéologique de Volubilis », Unesco (consulté le 23 octobre 2015). Brahmi 2008, p. 12. Selon l'inscription AE 1916, 00042, Marcus Valerius Severus était le fils de Bostar, donc de nom punique, et épousa une Berbère romanisée. ↑ a et b Gascou et Christol 1980. Référence épigraphique AE 2003, 01924 L'inscription, figurant sur un socle de statue, est dégagée à proximité de la basilique en 1915 et a été datée d'après 54 apr. J.-C. Golvin 2003, p. 128. Dédicace reconstituée : CIL VIII, 09993 Michel Christol, Regards sur l'Afrique romaine, Paris, 2005, p. 18 Référence épigraphique AE 1931, 00065 Référence épigraphique AE 1953, 00080 Castries, p. 31 ↑ a b c et d Louis de Jaucourt, L’Encyclopédie : 1re édition, t. XVII, 1751 (lire sur Wikisource). ↑ a et b Domergue 1963, p. 283. Henri de La Martinière, « Lettre du chargé d'une mission archéologique au Maroc, communiquée par M. Héron de Villefosse », Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, vol. 34, no 1,‎ 1890, p. 23-25 (lire en ligne) Voir l'album La Martinière sur Gallica.bnf Domergue 1963, p. 284.


Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « D », mais aucune balise <references group="D"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « F », mais aucune balise <references group="F"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « B », mais aucune balise <references group="B"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « E », mais aucune balise <references group="E"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « L », mais aucune balise <references group="L"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « K », mais aucune balise <references group="K"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « J », mais aucune balise <references group="J"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « C », mais aucune balise <references group="C"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « M », mais aucune balise <references group="M"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « I », mais aucune balise <references group="I"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « G », mais aucune balise <references group="G"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « AA », mais aucune balise <references group="AA"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « AR », mais aucune balise <references group="AR"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « AB », mais aucune balise <references group="AB"/> correspondante n’a été trouvée
Erreur de référence : Des balises <ref> existent pour un groupe nommé « AD », mais aucune balise <references group="AD"/> correspondante n’a été trouvée

Photographies by:
Subhros - CC BY-SA 3.0
Statistics: Position
3312
Statistics: Rank
34714

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Sécurité
594126378Cliquez/appuyez sur cette séquence : 1343
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Google street view

Où pouvez-vous dormir près de Site archéologique de Volubilis ?

Booking.com
491.392 visites au total, 9.211 Points d'interêts, 405 Destinations, 17 visites aujourd'hui.