Le cap Ferret est un cap français formant un cordon littoral qui se situe à l'extrémité sud de la presqu'île de Lège-Cap-Ferret en Gironde. Il sépare l'océan Atlantique et le bassin d'Arcachon.
Au XIXe siècle, quelques pêcheurs s'installent en divers endroits de la presqu'île, tandis que la pointe n'est occupée que de façon temporaire. Les pêcheurs de La Teste et de Meyran (quartier et port de Gujan-Mestras) y accostent en pinasse pour traquer les poissons à l'entrée du bassin ou sur le rivage côté océan. Ils érigent alors quelques cabanes de fortune sur les plages qu'ils peuvent atteindre facilement par un chenal. Protégés par la pointe du cap Ferret, ils sont à l'abri des vents d'ouest et à proximité des bancs de poissons entrant ou sortant du bassin et de ceux qui circulent en haute mer. En 1857, une douzaine de cabanes sont présentes sur les plages à proximité du phare qui vient d'être édifié, le « quartier des pêcheurs ». Tout au long de cette seconde moitié du XIXe siècle, quelques fonctionnaires, douaniers, gardiens de phare et gardes forestiers chargés de l'ensemencement des dunes, rejoignent cette population de pêcheurs venue principalement des ports de la rive sud du bassin. Pour ceux-ci, le territoire de la presqu'île du cap Ferret est désigné comme étant « de l'autre côté d'eau ».
Sous l'impulsion de l'empereur Napoléon III, l'ostréiculture se généralise à partir de 1860, et des concessions sur le domaine public maritime sont octroyées pour construire des cabanes ostréicoles. C'est à cette période charnière que l'ostréiculture et un peu plus tard le tourisme, vont s'imposer dans le paysage économique local.
Du fait de sa difficulté d'accès par voie de terre, la presqu'île du cap Ferret est restée longtemps un lieu accessible uniquement par voie maritime par quelques ostréiculteurs, des pécheurs en mer et des chasseurs passionnés. De résidents occasionnels, quelques-uns s'y installent pourtant peu à peu de manière permanente, constituant plusieurs villages échelonnés le long de la péninsule : la Pointe aux chevaux, L'Herbe, La Vigne, Petit et Grand-Piquey, Les Jacquets, etc. Même si quelques villas sont construites pour des propriétaires fortunés, l'approvisionnement en denrées de première nécessité et la scolarité des enfants posent problème, faute de structures adaptées. L'appartenance administrative de la presqu'île à la « lointaine » commune de La Teste-de-Buch ne facilite pas les choses, avec l'apparition d'un tourisme « sauvage » dont les constructions envahissent le pays de façon plus ou moins désordonnée voire illégale.
Naissance de la station balnéaire du Cap-FerretDes premiers essais de boisement ont été réalisés par l'État au cap Ferret dès 1809[1]. De ce fait, les terrains appartenant à l'État étaient administrés par les Eaux et Forêts et formaient une partie de la forêt domaniale de Garonne[2] sur la moitié sud de la presqu'île appartenant à la commune de La Teste.
Une aliénation importante de la forêt domaniale, de Piquey au Boque, avait déjà eu lieu en 1860 au profit de la famille Lesca (cf. l'article de la « chapelle algérienne », qui faisait partie du domaine constitué par Léon Lesca entre les années 1860 et 1880). Le cap Ferret est constitué de terrains dunaires sablonneux, soumis aux embruns et à une très forte érosion marine sur la pointe et la côte noroît, sur lesquels les semis de pins maritimes venaient mal et, lorsqu’ils arrivaient à s’installer, donnaient des arbres tortueux et sans valeur commerciale.
1908, l'aliénation des « 44 hectares »De riches concessionnaires de postes de chasse désirèrent s'implanter plus durablement sur le cap, et usèrent de leur influence auprès de l'administration, de telle sorte que dès 1898, on évoquait la possibilité d'aliénation[3]. Ainsi, l’administration décida de se débarrasser d’un terrain boisé appartenant à l’État d’une superficie de 44 hectares, situé vers la pointe du cap Ferret en bordure du bassin (loi d’aliénation du 6 août 1905[4]) et le mit en vente aux enchères publiques le 12 octobre 1908, ceci pour une mise en valeur orientée vers des activités de « chasse, pêche et station balnéaire ». La vente était accompagnée d’obligations très précises transférées aux acquéreurs : défense des berges, viabilisation selon un plan établi, respect du code forestier, libre passage le long du rivage, mesures d’hygiène[5], etc.
Ces conditions ne furent pas respectées, notamment en ce concerne la défense des berges, si bien que par exemple, devant le restaurant « Chez Hortense », environ 175 m, équivalant à un hectare et comprenant notamment un débarcadère, est emporté par les courants en 1936. Le restaurant, fondé en 1914 par Hortense Crampé, rouvre en 1938 200 mètres plus loin, à la place du restaurant Roux. Durant la Seconde Guerre mondiale, il sert de cantine à une garnison allemande puis rouvre à la Libération. Les enfants d'Hortense reprennent ensuite l'affaire familiale, non sans continuer d'entretenir la digue pour protéger le restaurant des courants[6].
L’acquéreur des « 44 hectares » fut la Compagnie foncière des habitants du Cap-Ferret, organisme peu transparent administré par le sénateur girondin Joseph Capus[7] et Maurice Larronde[5]. Le lot fut adjugé pour 0,70 franc le mètre carré soit l’équivalent du prix d’une douzaine d’huîtres de l'époque. De nos jours, la voirie n'est pas bitumée et l'éclairage public n'existe pas (« pour endiguer les flots de touristes » note Le Monde), tandis que le raccordement au tout à l’égout n’a été réalisé qu’en 2005. Les carences et la liquidation du lotisseur initial, le refus des propriétaires de se constituer en association syndicale autorisée, les constructions sans autorisation ont créé une situation juridique trouble[8]. Ce quartier original de « Robinsons » fortunés a été porteur de conflits entre ses résidents et l’administration[7].
Au sud des « 44 ha » s’est installé en 1985, l'homme d'affaires Benoît Bartherotte[9], qui, afin de pouvoir exploiter ses « cabanes » construites sur son vaste terrain et jouir d’un panorama unique sur la dune du Pilat, engouffre perpétuellement des tonnes de remblais dans une digue éphémère[10]. Il explique : « La pointe a perdu 700 mètres entre 1973 et 1995. La digue a stoppé ça net »[11].
1919, l’échange « Labro »Dix ans après la vente des « 44 hectares », en janvier 1919, l’État considérant à nouveau que la conservation des terrains du cap Ferret ne présentait pas d’intérêt forestier en raison des peuplements clairsemés, de la charge que représente l’entretien des berges soumises à l'érosion, et des nombreuses concessions accordées (environ 180) en bordure du bassin, décida de se séparer de 493 hectares du cap Ferret. Pour cette opération, l’État souhaita non pas vendre mais échanger.
Se présenta opportunément un architecte parisien, Charles Labro, associé à un entrepreneur de travaux publics, « Alexandre » Joyeux, qui se porta acquéreur en vue de les échanger, de 2551 hectares de forêts de faible valeur[12],[13]. Le nouveau propriétaire, la Compagnie d’entreprises immobilières (CEI), commença dès 1920 à vendre le cap Ferret par lot et construisit des voies et la route le reliant à Piquey (11 km). L’acteur principal du lotissement, ponctué de crises multiples, de faillites, de mutations de sociétés, de spéculations et même d’escroqueries en tous genres, fut Alexandre Joyeux, personnage inquiétant, plus ou moins lié au célèbre Joseph Joanovici[5]. La maison forestière du Cap-Ferret, occupée par Jean Bousquet, devenue inutile, était comprise dans l'échange Labro. Elle fut transformée en auberge de 1927 à 1980, date à laquelle elle fut démolie pour édifier un centre commercial et d'animation (public) et une résidence immobilière autour d'une piscine (privée), l'ensemble conservant le nom « La Forestière »[14].
Avec l’érosion éolienne, la dune non entretenue par les propriétaires privés envahit peu à peu des lots et des maisons proches de l’océan sur le quartier dit « des Ensablés ». Après maîtrise foncière, par achats amiables et expropriations dans l’intérêt public, de lourds travaux de contrôle des mouvements dunaires sont réalisés en 1994-1995[15] par le Conservatoire du littoral dans ce secteur[16]. Désormais un sentier d’interprétation du paysage « Abécédaire » permet de parcourir ce cordon dunaire sur 5 km[17].
Développement de la station balnéaireAprès un premier développement touristique dans l'entre-deux-guerres[18], la station balnéaire du cap Ferret connut un coup d’arrêt avec la faillite de la CEI en 1936 et le frein qu’imposa l’administration à l’anarchie du lotissement. Les multiples concessionnaires devaient acheter les parcelles qu’ils louaient auparavant. Mise en zone de défense durant l’occupation allemande, le village du Cap-Ferret connut une période d’abandon, jusqu’à 1945. Puis à partir de 1955, avec l’autorisation de rachat des terrains appartenant à la CEI par la Nouvelle Société foncière du Cap Ferret, une accélération du développement en 1957 et 1960, ceci en majeure partie grâce à de riches Bordelais[19].
En 1972 est créée l'association Protection et aménagement Lège-Cap-Ferret (PALCF) pour s'opposer à un projet de marina porté par la mairie sur le site du Mimbeau (1200 places de bateaux et 500 logements avec plusieurs étages) et plus généralement au risque de bétonnisation de la presqu'île. Notamment grâce à l'organisation d'un contre-référendum local et au soutien du maire de Bordeaux Jacques Chaban-Delmas, il est annulé[11].
Le film Les Petits Mouchoirs (2010) a beaucoup participé à la notoriété nationale du Cap Ferret. De nombreuses résidences secondaires de luxe y sont construites, notamment par l'entreprise familiale de Benoît Bartherotte, « des « cabanes » en pin, et les jardins qui vont avec ». Pour ce dernier, « on a réussi à protéger la presqu’île de l’invasion du béton et des horreurs qu’on voit ailleurs ». Station balnéaire estivale, le Cap Ferret compte 80 % de résidences secondaires, si bien que 30 000 personnes y vivent l'été contre 600 en basse saison[11].
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