Tombouctou
Tombouctou (ⵜⵏⴱⴾⵜ, Tin Buqt en berbère tamasheq) est une commune du Mali, chef-lieu du cercle de Tombouctou et de la région de Tombouctou; situé à une douzaine de kilomètres au nord du fleuve Niger.
Surnommée « la ville aux 333 saints » ou « la Perle du désert », il s'agit d'une ville historique de renommée mondiale, classée par l'UNESCO à plusieurs titres au Patrimoine mondial de l'humanité.

Djibril Tamsir Niane indique dans l'Histoire Générale de l'Afrique que « vers 1100, Tombouctou fut fondée par les Touareg magcharen »[1]. Tombouctou est situé à la frontière de l'Empire du Ghana, mais celui-ci est déjà affaibli par la poussée almoravide, la sécheresse et la déforestation. La ville est alors une étape sur la route transsaharienne des caravanes de l'or, et devient un centre commercial de plus en plus important.
En 1240, Soundiata Keita annexe ce qui reste de l'Empire du Ghana, et Tombouctou intègre l'Empire du Mali naissant. Elle en devient un des cœurs commerciaux : s'y échangent dattes, tabac, sel, verre, bijoux et produits manufacturés européens, venus de ou par l'Afrique du Nord, ainsi que le sel, « or blanc de Tombouctou », apporté de Taoudeni et Teghazza en plaques de 30 kg chacune[2].
À partir de 1325, le dixième empereur du Mali, Mansa Moussa, fait construire par l'architecte Abou Ishaq es-Sahéli la mosquée Djingareyber, achevée en 1328. En 1353, le voyageur tangérois Ibn Battûta visite la ville[3]. La Rihla, important livre écrit par ce dernier, est le plus ancien texte traitant de la ville de Tombouctou et de l'empire Songhaï[4].

Au XVe siècle, la construction de la mosquée de Sankoré (qui comprend une medersa et est aux dimensions de la Kaaba) est à l'origine d'une université islamique d'une très grande renommée dans toute l'Afrique de l'ouest. Jusqu'à 25 000 étudiants fréquentent la ville sous le régime de Sonni Ali Ber (Sonni Ali le Grand). Tombouctou est prise par Sonni Ali Ber, l'empereur songhaï, en 1458. La ville construit sa prospérité sur les échanges commerciaux, dont l'esclavage, entre la zone soudanaise du Sahel africain et le Maghreb. Elle connait son apogée au XVIe siècle, jusqu'à la chute en 1590 de l'Empire songhaï.

La ville passe alors sous domination saadienne de Marrakech c'est le Pachalik de Tombouctou. En octobre 1591, se produit un soulèvement de la population, dont les plus illustres savants (incluant Ahmed Baba) sont exilés à Marrakech.
Sa richesse décline lorsque les Européens ouvrent la voie maritime pour le commerce entre l'Afrique du Nord et l'Afrique noire. Le déclin de la ville commence au XVIIe siècle avec l'instabilité politique et l'apparition de la traite négrière qui rapprochait cette activité des côtes. Le contrôle de Tombouctou par les Saadiens est effectif jusqu'en 1660 (Abderrahmane Es Saâdi décrit la ville dans son Tarikh es-Soudan), date de la chute de la dynastie au profit des Alaouites.
En 1760, les Touaregs battent les soldats marocains de la ville qui en devient tributaire.
Période de la colonisation françaiseL'Empire peul du Macina conquiert la ville en 1825. Après des siècles où Tombouctou est une cité recluse vis-à-vis de l'Occident – son entrée est interdite aux non-musulmans[5], sauf comme marchandise pour le trafic d'esclaves –, le major Alexander Gordon Laing est le premier Européen, après Paul Imbert au XVIe siècle, à visiter la ville en 1826, mais pris pour un marchand d'esclaves concurrent, il est assassiné. Le 20 avril 1828, c'est au tour du Français René Caillié d'entrer dans la cité, dissimulé sous le costume d'un lettré musulman, et d'en partir vivant. Son célèbre récit de voyage fait ensuite grand bruit en Europe. En 1810, un marin américain nommé Robert Adams, esclave des Maures, y aurait vécu quelques mois durant sa captivité[6].
En 1844, à la mort de Sékou Amadou, la ville s'émancipe. L'explorateur allemand Heinrich Barth vient ensuite dans la ville où il passe six mois en 1853-1854. Il est suivi par d'autres explorateurs dont au milieu du XIXe siècle, le rabbin Aby Serour qui y séjourne longuement dans les années 1860[7] ; le récit de ses explorations est publié dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris[8].

La seconde partie du XIXe siècle marque le début de la colonisation française de l'Afrique occidentale, dans le sillage de l'Afrique du Nord. La conquête de la zone de Tombouctou par l'armée française se fait de manière heurtée, notamment en 1892 avec le massacre de la colonne Eugène Bonnier par les Touaregs Ouelleminden et Igdalen après la première occupation de Tombouctou par les Français. Lorsque les Français prennent le contrôle de la ville en 1894, sa population est d'environ 4 000 habitants[9]. Elle était dirigée jusque-là par une élite musulmane payant tribut aux Touaregs[9].
La conquête et la stabilisation de la ville marquent la fin de la pacification des zones du Nord du Mali à la veille de la Première Guerre mondiale.
Maisons de Tombouctou habitées par des explorateurs européens
L'Écossais Alexander Gordon Laing (1826).

Le Français René Caillié (1828).

L'Allemand Heinrich Barth (1853).

L'Autrichien Oskar Lenz (1880).
Alors que le Soudan français est une colonie française, Tombouctou devient par la loi française du 18 novembre 1955[10], une commune de moyen exercice, dirigée par un maire, fonctionnaire nommé par le chef de territoire, assisté d’un conseil municipal élu par un collège unique[11]. La loi du 10 janvier 1957 intègre Tombouctou dans l'Organisation commune des régions sahariennes[12].
Après l'indépendance malienne
La loi du 2 mars 1966 donne un statut commun à toutes les communes créées avant l’indépendance du Mali en 1960. Un conseil municipal élu désigne en son sein le maire et un ou plusieurs adjoints[11].
Lors d'une visite officielle à Tombouctou en février 1977, le président français Valéry Giscard d'Estaing appose une plaque à la mémoire du maréchal Joffre (qui y avait séjourné quand il était jeune commandant), et annonce une aide à la restauration de la maison de René Caillé. Il indique que la France est prête à apporter son concours pour faire face aux conséquences de la récente sécheresse[13].
En 1988, Tombouctou est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco pour ses richesses culturelles (mosquée, mausolées et manuscrits) et historiques[14].
Le Nord du Mali et la ville sont à de nombreuses reprises secoués, à la fin des années 1960 et au début des années 1990, par des insurrections armées touaregs qui réclament plus d'autonomie et de désenclavement de leur région. Le 27 mars 1996 se déroule une cérémonie de la Flamme de la Paix, durant laquelle les rebelles touaregs brûlent 3 000 armes utilisées durant la rébellion.
Le 1er avril 2012, dans le cadre de l'insurrection au Nord du Mali menée par le MNLA, l'armée malienne perd le contrôle de la ville au profit de divers mouvements rebelles touareg[15] rapidement supplantés par les islamistes salafistes radicaux. Du 30 juin à fin décembre, les islamistes des mouvements AQMI et Ansar Dine se lancent dans la destruction systématique des tombeaux des saints musulmans et des mausolées de la ville[16],[17]. L'intervention de l'armée française dans le cadre de l'opération Serval aux côtés de l'armée malienne permet la reprise de contrôle partiel de la ville — aéroport de Tombouctou et principaux accès à la ville[18] pris notamment par le 2e régiment de parachutistes de la Légion étrangère[19],[20] — dans la nuit du 27 au 28 janvier 2013[21],[22]. Durant la journée du 28 janvier, les troupes françaises et maliennes finissent de libérer la ville, sans combats majeurs, et avec un accueil enthousiaste des populations[23]. Cette liesse populaire s'amplifie lors de la visite de François Hollande, « accueilli en libérateur », accompagné de son homologue malien Dioncounda Traoré, lors d'un voyage d'une journée à Sévaré, Tombouctou et Bamako[24],[25],[26] au cours duquel le président de la République française déclare « [avoir] sans doute [vécu] la journée la plus importante de [s]a vie politique[27]. Durant les mois qui suivent, des troupes burkinabés sont chargées par la MINUSMA, avec des éléments français, de sécuriser la ville[28].
Pour la destruction des mausolées Ahmad al-Faqi al-Mahdi est arrêté puis jugé par la Cour pénale internationale et condamné à neuf ans de prison en septembre 2016[29].
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