Ostuni

Ostuni est une ville italienne de la province de Brindisi dans les Pouilles. Elle est surnommée « la ville blanche » en raison de la couleur des façades de ses maisons.

La région d'Ostuni était déjà occupée par l'homme au paléolithique moyen (50 000-40 000 ans AP). Elle fut ensuite fréquentée par le chasseur néandertalien. Les nombreuses grottes parsemées dans les collines offraient des refuges naturels aux communautés humaines primitives.

Au paléolithique supérieur, les traces de l'occupation humaine deviennent plus manifestes. Les fouilles ont permis de mettre au jour des ossements et des fragments de céramique. Le témoignage le plus éclatant nous est livré par le squelette de la « jeune femme d'Ostuni », enceinte, âgée de 20 ans, et de son fœtus, découverts en 1991 dans la caverne occidentale de la grotte de Santa Maria d'Agnano par le professeur Donato Coppola, de l'Université Aldo Moro de Bari[1]. Le corps, déposé dans une grande fosse, est en position contractée, la tête couverte d’une sorte de coiffe composée d'une centaine de petites coquilles. L'appartenance de la jeune femme à un groupe de chasseurs est documentée par des restes d'accessoires et d’ornements (silex et dents de cheval et de bœuf primitif). Cette sépulture, appelée Ostuni 1º, est unique au monde et remonte à 28 000 ans (datation radiocarbone calibrée)[2]. Le squelette de la jeune femme et de son fœtus ainsi qu'une reproduction de son corps et de sa sépulture sont exposés au Musée des civilisations préclassiques de la Murge méridionale[3], dans l'ancien couvent carmélite des Monacelle, au centre d'Ostuni.

 Céramiques messapiennes

Le néolithique est représenté par les sites de Lamaforca et de San Biagio, alors que des vestiges datant de l'âge du bronze ont été retrouvés sur le site rupestre de Lama Morelli[4].

Le premier noyau urbain fut fondé par les Messapiens, un ancien peuple illyrien ou égéo-anatolien qui s'installa dans le Salento au VIIe siècle av. J.-C. ; les Messapiens étaient d'habiles constructeurs et ils choisirent le site pour sa position stratégique sur une colline aux versants très abrupts, assimilables à des murs (murex = rocher dentelé en latin), d'où le nom donné à la région des Murge. Des fouilles récemment réalisées près du Foro Boario (une zone qui, à l'instar du forum Boarium de Rome, se trouve au pied des murailles médiévales), ont permis de mettre au jour des tombes du IVe siècle av. J.-C.[5], qui attestent la présence d'un lieu habité qui allait des flancs de la colline à la plaine légèrement inclinée vers la mer[6].

Au IIIe siècle av. J.-C., la ville, comme tout le Salento, fut conquise par les Romains. Les sources en disent très peu sur la période romaine, quelques traces en restent peut-être dans certains mas, bâtis sur les fondations de villas romaines. On ne sait pas grand-chose non plus sur l’étymologie du nom de la ville d’Ostuni : il remonte probablement au héros Sturnoi, compagnon de Diomède, qui l’aurait fondée après la guerre de Troie ; les Romains l’appelèrent alors "Sturninum". Le terme pourrait aussi venir du messapien ou, plus probablement du grec ἄστυ νέον (ástu néon, où ástu = citadelle et néon = nouvelle)[7].

Le Moyen Âge  Chevaliers normands Pendant le premier concile de Melfi, le pape Nicolas II nomme Robert Guiscard duc d'Apulie et de Calabre

Avec le déclin de l'Empire romain d'Occident, Ostuni, comme le reste de l'Italie, fut parcourue par les Ostrogoths, les Lombards et les Sarrasins et vaillamment défendue par le pouvoir impérial exercé par les Byzantins. Pendant la période byzantine, elle accéda au rang de diocèse en 876, offrit refuge aux moines basiliens fuyant la Syrie et l'Égypte ; menacés par les Turcs, mais surtout par l'iconoclasme, les moines se retranchèrent dans les mêmes grottes qui avaient abrité les hommes préhistoriques[8]. Pendant les XIe et XIIe siècles, les Normands conquirent les colonies byzantines des Pouilles et les unifièrent au sein du comté d'Apulie, institué par Robert Guiscard, devenu plus tard duché d'Apulie[9]. Les Normands s’attachèrent à promouvoir la culture de l'olivier et fixèrent avec précision les limites de la ville. Au XIIe siècle, Geoffroy III, comte de Lecce et fonctionnaire du roi Roger II de Sicile, qui exerçait la juridiction militaire sur la Terre d'Otrante, édifia un château au sommet de la plus haute colline d'Ostuni; il ne subsiste aujourd'hui de cette imposante construction solidement fortifiée qu'une tourelle et le jardin (Giardino Zurlo)[10]. Le fief d'Ostuni revêtait une importance militaire considérable, puisqu'il fournit au royaume normand douze chevaliers. Ostuni se vit intégrée dans le vaste territoire du comté normand de Lecce et dans la Principauté de Tarente. Avec les Hohenstaufen, Ostuni connut un développement notable. Frédéric II sut libérer Ostuni de ses liens féodaux et prit la ville sous sa protection directe, faisant de son château l'une des plates-formes de la défense impériale dans les Pouilles et l'exemptant de taxes et de contrôles administratifs. Les habitants de Villanova et de Carovigno étaient tenus de veiller à l'entretien du château, déclaré castra exempta du royaume de Sicile[11]. En 1182, Tancrède comte de Lecce et seigneur d'Ostuni, concède à l'évêque et aux habitants d'Ostuni le droit de fonder un village près de San Nicola di Petrolla et de le peupler[12]. Le petit port de Petrolla (aujourd'hui Villanova di Ostuni) est intégré au XIIe siècle dans le système portuaire placé sous l'autorité d'Ostuni[13].

Ostuni s'ouvrit au commerce avec les Anjou, qui construisirent de nouvelles fortifications pour la ville et édifièrent sur les ruines de l'ancienne Petrolla le port de Villanova[14].

La configuration très particulière du bourg médiéval, avec ses maisons à plusieurs étages adossées les unes aux autres remonte à cette époque ; dictée d'une part par des exigences défensives, elle permettait d'autre part de profiter au maximum, en surface et en hauteur, de l'espace disponible à l'intérieur des murailles.

Ostuni fut entourée de nouvelles murailles à tours circulaires sous la couronne d'Aragon ; quatre portes y furent ouvertes, dont seules subsistent aujourd'hui la Porta Nova, remontant au XIIe siècle et reconstruite au XVe siècle, et la Porta San Demetrio, du XIIIe siècle[15].

De la Renaissance au Risorgimento

De la fin du XVe siècle aux premières décennies du XVIe siècle, les élites de la communauté juive d'Ostuni se distinguèrent dans le commerce des textiles. La communauté dans son ensemble était l'une des plus prospères de la Terre d'Otrante et fit l'objet de persécutions de la part des chrétiens[16].

 La colonne de saint Oronce

En 1506, Ostuni passa au duché de Bari, sous Isabelle d'Aragon et sa fille Bona Sforza[17] : c'est alors que commença l'âge d’or de la ville, tant du point de vue économique que culturel. Les ducs conférèrent à Ostuni des honneurs et des privilèges, ils renforcèrent les fortifications et érigèrent sur le littoral les tours Pozzella (aujourd'hui détruite) et San Leonardo. La période de la Renaissance correspond aussi au plus ample développement urbanistique de la ville, dont la population atteint désormais 17 000 habitants, de nombreux édifices nouveaux venant s'ajouter au centre médiéval.

Mais le XVIIe siècle entame une phase de déclin : en effet, en 1639 Philippe IV de Habsbourg, écrasé par les dettes résultant de la guerre de Trente Ans, vend Ostuni aux Zevallos, une famille de marchands qui traite la ville comme un fief personnel. La population passe sous le seuil des 10 000 habitants. C'est pendant cette période que la peste sévit dans la région, épargnant toutefois Ostuni, où l'usage était de blanchir les maisons à la chaux, désinfectant naturel. Cette pratique, qui évita la contamination, donne encore aujourd'hui à la cité son cachet tout particulier de « ville blanche »[18].

Avec les Bourbons, la cité connut un nouvel essor. Ostuni s'étendit en direction des collines voisines de Casale, Cappuccini, Sant'Antonio et Molino a Vento. Le centre de la vie urbaine délaissa la piazza del Moro pour l'actuelle piazza Libertà, où se trouve aujourd'hui l'hôtel de ville (ancien couvent des Franciscains). C'est là que le sculpteur Giuseppe Greco érigea en 1771 une colonne en l'honneur de saint Oronce, qui, selon la tradition populaire, aurait préservé la ville de la peste[19].

Au début du XIXe siècle, dans le sillon des idéaux du siècle des lumières, Ostuni fut secouée par des insurrections. Y furent fondés un cercle de Giovine Italia et une vente carbonariste. Au cours de ces émeutes, Ostuni fut la première ville des Pouilles à hisser le drapeau tricolore[20].

Ostuni aujourd'hui

Depuis l'après-guerre, on assiste au développement de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire (huile d'olive, amandes, vin). La ville est devenue une destination touristique renommée et a réussi à valoriser ses biens culturels, historiques et architectoniques. De nombreux villages touristiques, comme par exemple Rosa Marina, de renom international, ont vu le jour sur le littoral, l'un des plus propres de la côte des Pouilles. En 2006 a été institué sur la côte, en mitoyenneté avec la commune de Fasano, le Parc naturel régional des dunes côtières de Torre Cane à Torre San Leonardo, zone protégée de grand intérêt naturaliste et paysager[21].

 Vue d'Ostuni, « ville blanche »

La caractéristique la plus marquante du centre historique est le blanchiment à la chaux des maisons, jusqu'au toit. Cet usage, attesté depuis le Moyen Âge et favorisé par le fait que le calcaire, dont la chaux est dérivée, est un matériau que l'on trouve à profusion dans la nature environnante, visait à accroître la luminosité dans l'exiguïté des ruelles et passages qu'imposait le plan médiéval. Comme il a été relevé plus haut, cette coutume a aussi joué un rôle important au XVIIe siècle, où le blanchiment à la chaux empêchait la peste de se propager dans la ville. Cette pratique se perd quelque peu aujourd'hui, ce qui a incité le maire à passer une ordonnance pour la relancer[22], afin qu'Ostuni reste digne de son qualificatif de « ville blanche ».

Arturo Palma di Cesnola, Le Paléolithique supérieur en Italie, Éditions Jérôme Millon, 2001, p. 273-274. Henry Baills, « La serie lithique Ostuni 1 Structuration, morphotypométrie, appartenance chronoculturelle » (consulté le 4 mai 2018). (it) « Museo Civico e Parco Archelogico di Ostuni » (consulté le 4 mai 2018). (it) Sergio Natale Maglio, « Osservazioni sull’attualità della civiltà rupestre – Clima e migrazioni nella Puglia della colonizzazione trogloditica bizantina », Riflessioni – Umanesimo della pietra, no 26,‎ juillet 2003, p. 111 & seqq. Christiane Delplace, « Chronique des fouilles dans les surintendances des Pouilles, de la Basilicate et de la Calabre, de 1968 à 1972 », L’Antiquité classique, no 43 1,‎ 1974, p. 388. Jean-Luc Lamboley, « Territoire et société chez les Messapiens », Revue belge de philologie et d’histoire, no 80 1,‎ 2002, p. 51-72. (it) Silvio Iurleo, Ostuni. Città messapica, Schena, 1993. « Petite histoire de l’Apulie » (consulté le 13 mai 2018). Biographie universelle (article Robert Guiscard), vol. 17, 1846 (lire en ligne), p. 16 & seq. (it) Raffaele Licinio, Castelli Medievali : Puglia e Basilicata : Dai Normanni a Federico II e Carlo I d’Angiò, Dedalo, 1994. (it) B. Ligorio, Federico II. Ebrei, castelli e Ordini monastici in Puglia nella prima metà del XIII secolo, Artebaria, 2011. Jean-Marie Martin, « Les Villes neuves en Pouille au XIIIe siècle », Journal des savants, no 1,‎ 1995, p. 126-127 (lire en ligne). (it) L. Pepe, Storia della città di Villanova dalle origini al 1430, 1916, p. 17. Jean-Marie Martin, Les espaces sociaux de l’Italie urbaine (XIIe au XVe siècle) : La construction de quelques palais de Charles Ier d’Anjou en Pouille et en Basilicate d’après les registres angevins, 2005, p. 223 & seqq. (it) « Ostuni-info - Porta Nova, Porta San Demetrio » (consulté le 18 mai 2018). (it) B. Ligorio, Ebrei e neofiti a Ostuni e Martina Franca tra XV e XVI secolo. Fonti per uno studio economico e sociale, in L'umanità dello scriba. Testimonianze e studi in memoria di Cesare Colafemmina, sous la direction de P. Cordasco, F. Pappalardo et N. Surico, Bari, 2015, p. 226-278. (it) « La seconda vita di Isabella d'Aragona, duchessa di Bari » (consulté le 18 mai 2018). (it) Anna Roda, « Ostuni, la Bianca città », sur culturacattolica.it, 2008 (consulté le 19 mai 2018). (it) « Obelisco di Sant'Oronzo » (consulté le 19 mai 2018). (it) « Ostuni - Cenni storici », sur provinciabrindisi.com (consulté le 19 mai 2018). (it) « Dune Costiere da Torre Canne a Torre San Leonardo », sur Italia Nostra, 2012 (consulté le 19 mai 2018). (it) « Comune di Ostuni - Ordinanza bianco di calce n. 21 del 7 maggio 2015 » (consulté le 30 avril 2018).
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