Москва

( Moscou )

Moscou (en russe : Москва, Moskva, [mɐˈskva] ) est la capitale de la Russie et compte environ 13 100 000 habitants intra muros en 2023 sur une superficie de 2 510 km2, ce qui en fait la ville la plus peuplée à la fois du pays et d'Europe. Sur le plan administratif Moscou fait partie du district fédéral central et a le statut de ville d'importance fédérale qui lui donne le même nive...Lire la suite

Moscou (en russe : Москва, Moskva, [mɐˈskva] ) est la capitale de la Russie et compte environ 13 100 000 habitants intra muros en 2023 sur une superficie de 2 510 km2, ce qui en fait la ville la plus peuplée à la fois du pays et d'Europe. Sur le plan administratif Moscou fait partie du district fédéral central et a le statut de ville d'importance fédérale qui lui donne le même niveau d'autonomie que les autres sujets de la Russie. Elle est quasiment enclavée dans l'oblast de Moscou, mais en est administrativement indépendante. Ses habitants sont les Moscovites. Moscou se situe dans la partie européenne de la Russie au milieu d'une région de plaine. Sa latitude élevée lui vaut un climat froid et continental. Le Kremlin, son cœur historique, est édifié sur une colline qui domine la rive gauche de la rivière Moskova.

Moscou a joué un rôle central dans l'histoire de la Russie. Petit point d'appui militaire créé en 1147 dans le nord de la Rus' de Kiev, elle prend progressivement le relais de Kiev, après la décomposition politique de cet État et les invasions mongoles du XIIIe siècle. Elle devient la capitale du grand-duché de Moscou, tsarat de Russie puis de l'Empire russe qui étend progressivement son territoire jusqu'à la frontière avec la Pologne à l'ouest, la Crimée au sud et l'océan Pacifique à l'est. Elle perd son rôle de capitale au profit de Saint-Pétersbourg lorsque Pierre le Grand au début du XVIIIe siècle décide de moderniser son pays à marche forcée. Néanmoins, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, Moscou devient un centre industriel majeur et le cœur du réseau de communications ferré et routier d'un pays qui compte désormais parmi les grandes puissances européennes. La révolution d'Octobre en 1917 redonne le rôle de capitale à Moscou et met en place un régime communiste qui accélère en deux décennies l'industrialisation de la ville et quadruple la population qui passe de un à quatre millions d'habitants. Ayant échappé de peu à l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale, la ville renoue avec une croissance économique et démographique effrénée à l'issue de celle-ci. Elle devient la capitale d'une des deux superpuissances mondiales. L'effondrement du régime communiste en 1991 entraîne une profonde transformation de la ville qui abandonne presque complètement son rôle de centre industriel au profit d'une position de pôle tertiaire complètement converti à l'économie de marché. La construction du Centre de commerce international de Moscou est le symbole de cette transformation.

Moscou concentre une part particulièrement importante de la richesse économique du pays : elle produit 25 % du PIB de la Russie. La ville est le siège de nombreuses institutions universitaires et culturelles du pays. Mais cette mutation ne s'est pas faite sans poser de problèmes, les écarts socio-économiques étant devenus considérables : une part de la population s'est fortement enrichie, tandis que l'augmentation du coût de la vie a aggravé les conditions de vie des plus modestes. Moscou a du mal à adapter ses structures routières à l'explosion du parc des véhicules des particuliers et à une croissance démographique qui se poursuit dans un contexte national pourtant déprimé sur ce plan. Ses autoroutes et son périphérique, la MKAD, sont connus pour leurs embouteillages importants.

Moscou dispose d'un important patrimoine artistique et architectural dont trois ensembles inscrits au Patrimoine mondial de l'Unesco. Ce sont notamment le Kremlin avec ses palais et églises, la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux sur la place Rouge, la galerie Tretiakov, le couvent de Novodievitchi, l'église de Kolomenskoïe ainsi que les sept gratte-ciel staliniens.

Fondation  Les principautés composant la Rus' de Kiev en 1237.

En Europe de l'Est émerge en 862 la Rus de Kiev, un état fondé par des princes vikings régnant sur des peuplades slaves. Sa richesse et son pouvoir résultent de sa position sur la route commerciale qui relie la mer Baltique et la mer Noire. Sa capitale est Kiev. Ses souverains adoptent au tournant du millénaire la foi orthodoxe. Au XIe siècle, les rivalités entre les descendants des dirigeants amènent à un morcèlement de l'état. Il se crée une cinquantaine de principautés quasi indépendantes comme Novgorod et Vladimir-Souzdal. Moscou est mentionné pour la première fois en 1147, sous le nom de Moskov, dans un écrit relatant la rencontre de Iouri Dolgorouki prince de Vladimir-Souzdal et du prince Sviatoslav Olgovitch de Novgorod-Severski sur ce territoire appartenant aux Souzdal[1],[2]. En 1156 Iouri Dolgorouki y édifie un simple fortin de bois sur une petite éminence qui domine de 30 mètres la rive gauche de la rivière Moskova. La forteresse est située au confluent de la Moskova et la Neglinnaïa, petit cours d'eau dont les eaux sont utilisées pour remplir les douves[3]. Un pont permet de passer sur la rive droite basse et marécageuse qui reste inoccupée. Le site est brulé à plusieurs reprises. La superficie totale de ce bourg ne dépasse pas les cinq hectares aux XIe et XIIe siècles. La ville poursuit son expansion durant les siècles suivants essentiellement sur la rive gauche car la rive droite est occupée par des prairies inondées au moment de la débâcle et est ouverte aux invasions venues du sud[4].

Au XIIIe siècle, Moscou devient le bien patrimonial des fils cadets de la dynastie des princes de Souzdal. Une résidence princière est édifiée ainsi que trois églises en bois dont la plus ancienne, Saint-Jean-Baptiste, s’élève sur l'emplacement d'un temple païen. En 1223, débute l'invasion de la Rus' par les tribus nomades venues de Mongolie qui va bouleverser pour des siècles l'histoire de la région. Sous la direction du khan Batu, les envahisseurs défont en 1238 tous les princes russes en laissant derrière eux un sillage de destruction et de mort. C'est la fin de la puissance dominante locale, la Rus de Kiev. Durant ce conflit Moscou est détruite[5]. Toutes les principautés russes doivent se soumettre et désormais payer tribut aux mongols. Ceux-ci s'installent définitivement sur la basse-Volga d'où ils font et défont les dirigeants russes. Ils y créent un état la Horde d'or qui s'étend sur plusieurs millions de km2.

Jusque là Moscou n'était qu'une simple bourgade, mais sa position à l'orée de la forêt lui offre une certaine sécurité contre les attaques mongoles, tout en étant située sur les routes commerciales menant aux bassins de la Volga, de la Neva et du Don. Alexandre Nevski en fait une principauté indépendante qu'il confie à son fils Daniel de Moscou (1272-1303). Celui-ci élargit le territoire avec la ville de Pereslavl-Zalesski et la forteresse de Kolomna à l'est[6].

Vladimir-Souzdal, dont la capitale est la ville de Vladimir, est à cette époque la principauté russe dominante qui est chargée de lever le tribu pour le compte des mongols. Mais les dirigeants des principautés vassales, en particulier Tver et Moscou, se disputent le pouvoir. Michel III le Saint Vladimirski, prince de Tver est le titulaire du trône de la principauté de Vladimir-Souzdal qui a été adoubé par les mongols. Mais le prince de Moscou Iouri III Moskovski, utilisant les liens matrimoniaux forgés avec la sœur du khan des mongols, obtient sa déposition (1317) et sa mort. Son triomphe est bref car il est assassiné par le fils de Michael III. Le frère de Iouri, Ivan Ier, avec l'accord du khan des mongols, prend à son tour le titre de prince de Vladimir-Souzdal. Il profite d'une révolte de Tver contre les Mongols en 1327 pour se joindre à ceux-ci et dévaster les terres de Tver. Les Mongols lui accordent le titre de Grand Prince de Moscou. Ivan devient l'intermédiaire principal entre les seigneurs mongols et les principautés russes, qui versent par ailleurs un supplément de tribut aux dirigeants de Moscou. Moscou prospère et bénéficie, en tant que principal collaborateur, d'une protection contre les bandes Mongols qui ravagent périodiquement les autres principautés. Cette sécurité relative attire les nobles et leurs serviteurs qui viennent s'installer sur les terres contrôlées par Moscou[7]. Les services rendus aux mongols lui permettent d'obtenir certains privilèges notamment de transmettre le contrôle de la principauté à l'aîné et non de la diviser entre tous les enfants. Par ailleurs le Khan renforce le rôle de Moscou en autorisant le transfert du siège de l'église orthodoxe de Vladimir à Moscou. Sous le règne d'Ivan la superficie du territoire double passant de 20 000 à 40 000 km2[8].

Le Kremlin au fil des siècles. Peintures d'Apollinaire Vasnetsov 1921-1922
Le Kremlin et sa palissade de bois sous Ivan Ier. 
Le Kremlin et sa palissade de bois sous Ivan Ier.
Le Kremlin et ses remparts de pierres blanches sous Dimitri Donskoï. 
Le Kremlin et ses remparts de pierres blanches sous Dimitri Donskoï.
Le Kremlin et Moscou au XVIIe siècle. Le Pont de pierre Vsekhsviatski 
Le Kremlin et Moscou au XVIIe siècle. Le Pont de pierre Vsekhsviatski
Lutte contre les Tatars et montée en puissance  Expansion de la Russie entre 1300 et 1796. La place Rouge au XVIIe siècle (peinture d'Apollinaire Vasnetsov).

Au cours de la seconde moitié du XIVe siècle, les princes moscovites prennent la tête de la lutte contre le joug des Mongols. C'est à cette époque (1366-1368) que Dimitri Donskoï remplace la palissade en bois qui entourait le kremlin de Moscou par une enceinte en pierre blanche. Les Mongols sont écrasés en 1380 à Koulikovo par les troupes russes emmenées par Dimitri. Néanmoins deux ans plus tard Moscou est prise et brulée par le khan Tokhtamych. Dimitri doit se soumettre. La lutte se poursuit au cours des décennies suivantes contre la Horde d'or mais également contre les autres princes russes hostiles à la politique expansionniste menée par les dirigeants moscovites. Ivan III annexe les principautés voisines, dont Novgorod, et contraint les Tatars à renoncer à leur tribut. Par son mariage avec Zoé Paléologue, nièce du dernier empereur byzantin, Constantin XI, tué lors de la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, Ivan III revendique pour Moscou le rôle de « Troisième Rome ». Moscou devient la capitale du plus grand pays de l'Europe orientale. Pour matérialiser ce changement de statut, Ivan III fait construire entre 1475 et 1509 à l'intérieur de l'enceinte de la ville plusieurs édifices qui deviendront des symboles de la capitale : des artisans russes dirigés par des architectes italiens édifient la cathédrale de la Dormition qui accueillera par la suite le couronnement des tsars, la cathédrale de l'Archange où sont enterrés les tsars jusqu'à Pierre le Grand et l'Église de la Déposition. La ville s'entoure d'une couronne de monastères fortifiés destinée à repousser les raids mongols : Simonov, Andronikov, Novospasski, Danilov. C'est également à cette époque que sont édifiés les monastères de Novodievitchi et Donskoï. Ces constructions attirent des peintres d'icône qui viennent décorer ces édifices, dont le plus célèbre est Andreï Roublev. L'enceinte du kremlin de Moscou est reconstruite en brique par les architectes italiens Marco Ruffo et Pietro Antonio Solari qui s'inspirent du château des Sforza à Milan. Les remparts crénelés à l'italienne sont flanqués de vingt tours auxquelles viendront s'ajouter par la suite quelques tours supplémentaires[4]. Moscou sous la menace permanente d'un assaut, est à l'époque une ville dont le rôle est essentiellement militaire. Ses artisans sont spécialisés dans la fabrication d'armures, de canons, de poudre et d'équipements de cuir (pour les chevaux)[9]. Sous le règne d'Ivan III, la superficie de la Russie est passée de 430 000 à 2 millions de kilomètres carrés[8].

Au cours du siècle précédant le règne d'Ivan le Terrible, le vaste territoire occupé par les mongols de la Horde d'or au sud de Moscou s'est morcelé en plusieurs khanats rivaux. Ivan, qui est le premier souverain russe à se donner le titre de Tsar (César), fait la conquête du khanat de Kazan en 1552 et du khanat d'Astrakhan en 1556. La conquête de la Sibérie est également engagée sous son règne et à sa mort la superficie du territoire de la Russie atteint cinq millions de kilomètres carrés[8]. Mais la tyrannie d'Ivan le Terrible et des souverains russes suivants conduit à un affaiblissement de l'État russe. En 1571, les Tatars de Crimée de l'Empire ottoman prennent d'assaut Moscou et brûlent la ville. C'est après cet épisode qu'est édifiée entre 1580 et 1590 la deuxième enceinte de Moscou, longue de 7,5 kilomètres, qui entoure la ville blanche (Bely Gorod). Une deuxième enceinte extérieure, constituée par une levée de terre, formant un cercle complet de 2,5 kilomètres de rayon franchissant la Moskova, est également édifiée à cette époque. Durant le temps des troubles (1598), le pouvoir à Moscou change à cinq reprises de main. L'un des prétendants demande le soutien de la Pologne et entre 1610 et 1612 des troupes polonaises occupent Moscou. Cependant l'armée polonaise n'est que partiellement soutenue par l'aristocratie polonaise et son équivalent russe mené par le prince Pojarski obtient l'élection de Michel Romanov fondant la dynastie des Romanov qui va régner sur la Russie jusqu'en 1917.

Moscou sous les Romanov (1613-1917)  Rue de Tver au XIXe siècle.

Vers 1700, Moscou compte 200 000 habitants. Mais le tsar Pierre le Grand choisit, dans le cadre d'une modernisation à marche forcée de son pays, de construire une nouvelle capitale à Saint-Pétersbourg. Celle-ci remplace en 1703 Moscou qui devient une simple ville provinciale. Le départ du gouvernement et de la Cour entraine une chute de la population qui ne reviendra à son niveau antérieur qu'un siècle plus tard. En 1708 Pierre le Grand crée une nouvelle subdivision administrative, le gouvernement à la tête de laquelle est placée un gouverneur chargé d'administrer l'entité. La Russie, dont la superficie atteint à l'époque 17 millions de kilomètres carrés pour une population d'environ 15 millions d'habitants[8] est divisée en huit gouvernements dont le gouvernement de Moscou. Malgré la disparition de son rôle politique, Moscou continue de se développer sur le plan économique. L'industrie textile est dominante. En 1725 la ville compte 23 manufactures qui travaillent la laine, le lin et la soie dont la cour des Draps qui emploie 1 500 ouvriers. En 1755 la première université de Russie est fondée à Moscou sous l’impulsion du plus grand des scientifiques russes de l’époque, Mikhaïl Lomonossov. Elle occupe initialement une partie du bâtiment devenu depuis le Musée historique d'État de Moscou donnant sur la place Rouge. L'activité théâtrale se développe. Une classe bourgeoise se constitue et une organisation municipale est mise en place en 1785 avec un maire élu par un suffrage censitaire très sélectif. La noblesse qui n'a plus l'obligation de servir l'État à compter de 1762 et donc de résider à Saint-Pétersbourg, se fait construire des résidences à Moscou et dans les environs comme les châteaux de Kouskovo, d'Ostankino et d'Arkhangelskoe. De nombreuses églises sont édifiées à cette époque et une première ébauche de plan d'urbanisme est établie en 1739. Néanmoins Moscou est encore fortement marquée par la vie rurale. À la fin du XVIIIe siècle, sur ses 175 000 habitants, 115 000 sont des paysans exerçant éventuellement une deuxième activité[9].

Le 14 septembre 1812, quand Napoléon Ier envahit Moscou à la tête d'une partie de la Grande armée (moins de 100 000 hommes sur 400 000), la ville est incendiée par le gouverneur Rostoptchine en application de la politique de la terre brûlée adoptée depuis l'entrée des troupes françaises sur le territoire russe. L'empereur Alexandre Ier refuse toute négociation et Napoléon Ier quitte Moscou le 19 octobre. La retraite des troupes françaises se transforme en déroute. À Moscou seuls les bâtiments construits en maçonnerie, Kremlin, monastères, églises et palais subsistent. Mais 10 ans plus tard, la ville est reconstruite et connaît un essor économique durant la décennie 1820-1840. En 1848 la ville compte 350 000 habitants. Le rôle économique de Moscou s'affirme à cette époque. Les manufactures se multiplient : le nombre d'ouvriers passe de 23 000 (1817) à 46 000 (1853) travaillant à 80 % dans l'industrie du textile. Moscou est au cœur d'un réseau de routes qui la relie à Saint-Pétersbourg (première route de Russie empierrée en 1830), Iaroslavl, Nijni-Novgorod, Kharkov, Kiev, Varsovie et la Sibérie via Perm et Iekaterinbourg[10]. La première ligne de chemin de fer russe, qui relie Moscou à Saint-Pétersbourg, est inaugurée en 1851. La ville est connectée par la voie ferrée à Kharkov, important centre industriel, en 1896, à Minsk et Varsovie en 1871. Le réseau en étoile s'étend à l'ensemble de la Russie européenne puis, avec la création du Transsibérien, dessert la Sibérie. La suppression du servage en 1861, qui entraîne un exode rural vers les villes, ainsi que la présence d'un réseau ferroviaire centré sur Moscou accélèrent la croissance démographique et économique de la ville. La population double en 1882 (753 000 habitants) et dépasse le million en 1897. Vers la fin du XIXe siècle sont construites les premières entreprises métallurgiques qui utilisent le charbon et le fer venus du Donbass et de l'Oural et les transforme en produits finis. La forte croissance industrielle des années 1890 puis une crise économique au début du XXe siècle déclenche une concentration des entreprises qui emploient désormais parfois plusieurs milliers d'ouvriers[4],[9].

Image panoramique 
Panorama de Moscou en 1867.
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Moscou filmé sous la neige en 1908.

Au début du XXe siècle, Moscou conserve encore un caractère semi-rural. Seul le centre est construit en pierre. Dans cette partie de la ville la plupart des maisons sont récentes et construites dans un style néo-russe (ou pseudo-russe) ancien. Comportant plusieurs étages leur façade sobre fait contraste avec les constructions officielles et quelques résidences de charme. Les quartiers périphériques sont souvent constitués de maisons en bois ne comportant parfois qu'un étage unique. La croissance économique crée une bourgeoisie d'affaires prospère dont le train de vie creuse un écart de plus en plus profond avec les habitants des quartiers ouvriers décrits dans la pièce de théâtre de Maxime Gorki Les Bas-Fonds. Les conditions sont réunies pour que débute une lutte des classes. En 1905, un soviet ouvrier édifie des barricades dans les rues et tient la ville durant dix jours. La répression est sévère et l'opposition entre dans la clandestinité.

Des mouvements de grève rassemblant des dizaines de milliers d'ouvriers ont néanmoins lieu entre 1912 et 1914. Ces mouvements de grève se poursuivent en 1915 et 1916 alors que la Russie est entrée en guerre avec l'Allemagne[9].

Moscou durant l'ère soviétique avant guerre (1917-1940)  Immeuble précurseur du style stalinien sur la perspective Koutouzovski. Schéma du gigantesque Palais des Soviets dont la construction sera définitivement abandonnée à la suite du déclenchement de la guerre.

Les événements qui aboutissent au renversement du régime tsariste en février 1917, puis à la prise du pouvoir par les communistes en octobre 1917 se déroulent principalement dans la capitale de l'époque Saint-Pétersbourg. Les forces bolchéviques prennent Moscou début novembre 1917 à l'issue de combats acharnés qui les opposent aux monarchistes et aux Socialistes révolutionnaires (S-R)[11]. Les dirigeants bolchéviques, qui se sont engagés sur la voie d'une dictature en dissolvant l'assemblée constituante, qui avait été élue pour déterminer les nouveaux principes de fonctionnement de l'État, choisissent en janvier 1918 de faire de Moscou la capitale du pays dans la crainte d'un soulèvement des quartiers ouvriers de Saint-Pétersbourg contre le nouveau régime. Ce sera chose faite en mars 1918. La guerre civile qui oppose entre 1918 et 1923 les forces bolcheviks à différents mouvements d'oppositions et armées étrangères épargne Moscou. Mais la capitale perd momentanément la moitié de sa population qui se réfugie dans la campagne car le ravitaillement ne parvient plus dans les villes.

À l'issue de la guerre civile, les années 1920 sont marquées par une explosion culturelle. L'avant-garde intellectuelle promeut un art de gauche en accord avec l'utopie d'une société future idéale que le nouveau régime communiste annonce vouloir mettre en place. En architecture, la traduction de ce mouvement est le constructivisme. Les architectes soviétiques adhérents à ce mouvement mettent en avant l'abstraction, les formes élémentaires mais également un mode de vie collectif dans lequel certaines fonctions seraient pratiquées en commun : laveries, cantines. Mais cette vision n'est partagée ni par les habitants de la ville, souvent d'origine rurale et aux goûts conservateurs, ni par la nouvelle bureaucratie qui se met en place. Elle ne se traduit que par quelques réalisations comme le Centrosoyouz de Le Corbusier et le club ouvrier des frères Vesnine. Le premier plan quinquennal sonne le glas de ce mouvement moderniste dont le caractère froid, bourgeois, décadent et étranger au patrimoine russe est dénoncé en 1929 par les instances dirigeantes soviétiques. Ce début de l'ère stalinienne est caractérisé par une répression brutale qui touche toutes les professions intellectuelles et par la volonté du nouveau régime à la fois de marquer les esprits et de s'inscrire dans la continuité de l'histoire nationale. Ces principes donnent naissance à l'architecture stalinienne, un style néoclassique monumental dans lesquels les figures et les symboles du régime sont mis en évidence de manière outrancière et qui présente beaucoup de traits communs avec les choix architecturaux des régimes fascistes qui se mettent en place à la même époque en Italie et en Allemagne[12].

La crise du logement à Moscou atteint un pic à partir de 1934 (qui durera jusqu'en 1955) avec une surface de logement moyenne par habitant de 4 m2 du fait du quasi doublement de la population entre 1925 et 1935 (3,6 millions habitants). Pourtant durant les quinze premières années du régime la priorité est donnée à la construction de logements dans les quartiers périphériques. En 1935, un plan général de reconstruction de Moscou est adopté dont l'objectif est de faire de Moscou une capitale moderne à la hauteur de son nouveau rôle en tant que capitale du socialisme. Le plan s'attaque à la réorganisation du centre-ville resté peu modifié depuis le début de la Révolution. Il maintient le principe d'une ville dense au schéma radio-concentrique avec percement de nouvelles voies radiales et concentriques et élargissements des voies existantes. Le centre de gravité de la ville doit être le palais des Soviets, un immeuble monumental de 400 mètres de haut qui doit édifié à l'ouest du Kremlin à l'emplacement de la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou dynamitée en 1932. La taille de chaque îlot doit être portée à 10/15 hectares contre trois en moyenne dans le centre historique. Hauts de 6 à 7 étages les immeubles encadrent un grand square central accueillant des équipements de proximité. Les usines doivent être expulsées du centre au profit des logements. Une ceinture verte de 50 kilomètres est prévue autour de la ville. Ce plan débouchera effectivement sur l'élargissement et le percement de certaines avenues accompagnés de la destruction de plusieurs monuments et immeubles historiques. Mais la réalisation des îlots prévus ne sera mise en œuvre que 20 ans plus tard dans les quartiers sud-ouest de Moscou autour de l'université Lomonossov[13],[14].

La construction du métro de Moscou est lancée en 1931. À ses débuts, ce chantier ne bénéficie d'aucune attention architecturale particulière. Mais dès la deuxième phase des travaux qui débutent en 1935 après l'inauguration de la première ligne, le métro devient un enjeu politique et bénéficie d'un budget considérable. Le style stalinien, spectaculaire et monumental, est utilisé en particulier dans des stations comme Maïakovskaïa (1938), Elektrozavodskaïa et Partizanskaïa (1944). La politique industrielle volontariste des nouveaux dirigeants entraîne un accroissement énorme de la population qui passe entre 1917 et 1939 de 1,8 million à 4,6 millions habitants. La ville connait une crise aiguë du logement malgré la construction d'immeubles collectifs à l'extérieur de la Sadoïava.

Les années 1930 voient la mise en place d'une dictature particulièrement sanglante en Union soviétique au cours desquels la capitale joue un rôle de premier plan. C'est la période des procès de Moscou (1936-1938) qui permettent à Joseph Staline d'éliminer tous les dirigeants historiques du parti communiste. Ces parodies de justice se produisent alors qu'en toile de fond les purges staliniennes font régner la terreur dans le pays en aboutissent au cours des années 1930 à l'élimination physique au minimum de plus de 600 000 personnes et à la déportation au Goulag de plus d'un million de personnes. La Loubianka, immeuble situé au cœur de Moscou, devient un centre de tortures où le NKVD exécute sans procès ou à l'issue de procès truqués des milliers de personnes.

La Seconde Guerre mondiale (1941-1945)

Le 22 juin 1941, les troupes allemandes envahissent l'Union soviétique dans le cadre de l'opération Barbarossa. La Wehrmacht progresse de manière foudroyante anéantissant les unes après les autres les armées soviétiques. Les troupes allemandes arrivent aux portes de Moscou fin septembre 1941 et une offensive est lancée pour prendre en tenaille les forces qui défendent la capitale. Le 2 octobre 1941 la ville est bombardée par l'aviation allemande. La ville est en partie évacuée et les civils sont appelés en renfort pour construire les lignes de défense anti-tanks et renforcer les troupes. Au cours de la bataille de Moscou qui se déroule entre octobre 1941 et janvier 1942, les forces allemandes parviennent jusqu'à 23 km du Kremlin, mais malgré leur supériorité numérique, elles sont arrêtées pour la première fois depuis leur entrée sur le territoire soviétique[Note 1]. L'ennemi est repoussé mais le front reste proche et la menace ne disparaît qu'en octobre 1943 lorsque la ville de Smolensk est reprise.

Moscou durant la Seconde Guerre mondiale
DCA sur le toit de l'hôtel de Moscou (août 1941). 
DCA sur le toit de l'hôtel de Moscou (août 1941).
Troupes soviétiques montant au front (novembre 1941). 
Troupes soviétiques montant au front (novembre 1941).
Des femmes et des vieillards édifient un fossé anti-char pour défendre la capitale (octobre-novembre 1941). 
Des femmes et des vieillards édifient un fossé anti-char pour défendre la capitale (octobre-novembre 1941).
L'après guerre (1945-1991)  La tour du ministère soviétique de l'industrie lourde un des sept gratte-ciel staliniens édifiés après guerre.

Malgré les énormes destructions de la Seconde Guerre mondiale qui ont frappé toutes les régions occupées par les allemands et le déficit de logements criant notamment à Moscou, les projets de prestige reprennent dans la capitale immédiatement après la fin du conflit. La construction du métro de Moscou, seul chantier resté en activité durant la guerre, s'accélère. Les stations de métro construites en 1944, toujours aussi monumentales, constituent les premiers mémoriaux permanents de la Grande guerre patriotique. Les travaux sur le canal Don-Volga à grand gabarit long de 101 kilomètres qui avaient été interrompus par la Seconde Guerre mondiale sont repris en 1948. La construction est réalisée en partie par des prisonniers de guerre allemands et des prisonniers du Goulag. Le canal permet au fret fluvial du bassin de la Volga d'atteindre Moscou et alimente en eau la Moskova et la population moscovite. Sept gratte-ciel, représentants particulièrement spectaculaires de l'architecture stalinienne, sont édifiés entre 1952 et 1955. Le plus haut de ces bâtiments, le bâtiment principal de l'université d'État de Moscou, culmine à 240 mètres et reste longtemps le plus haut édifice d'Europe.

 Moscou, hiver 1961
Photo Ivan Chaguine.

À la mort de Staline, la plupart des habitants de Moscou, s'entassent encore dans des appartements communautaires surpeuplés ou habitent des maisons en bois. Dans les années 1950, beaucoup de districts du Moscou contemporain sont encore occupés par des villages constituées d'isbas. Pour combler le déficit de logement et faire face à l'accroissement de la population qui passe de 4,6 à 8,4 millions d'habitants entre 1939 et 1979 des grands ensembles sont construits en masse dans les espaces restés ruraux jusque là. Ces immeubles d'un style uniforme sont baptisés ironiquement du nom du secrétaire du parti communiste au pouvoir à l'époque de leur édification (khrouchtchevkas)[réf. souhaitée]. Comprenant 4 à 5 étages pour éviter l'installation d'un ascenseur (on les baptise également « Cinq étages ») ils sont réalisés à partir de plaques de béton fabriquées en usine et assemblées sur place. Utilisant des matériaux de mauvaise qualité, exigus, souffrant de problèmes d'isolation et d'étanchéité, dépourvus de tout confort et sans cave, ils sont censés constituer un habitat provisoire en attendant l'avènement du communisme mais 50 ans plus tard, ils sont toujours occupés. En 1980, Moscou accueille les Jeux olympiques d'été de 1980. Le déroulement est marqué par le boycott d'une cinquantaine de nations (dont les États-Unis, le Canada, le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne de l'Ouest) à la suite de l'invasion de l'Afghanistan par l'Union Soviétique qui a débuté en 1979. Un certain nombre d'infrastructures sportives sont construites à Moscou pour accueillir les épreuves[15].

Moscou contemporain (1991-) Éclatement de l'Union soviétique  La Maison blanche après les événements d'octobre 1993.

Moscou est au cœur des événements qui accompagnent l'éclatement de l'Union soviétique et l'effondrement du régime communiste ainsi que des soubresauts qui lui succèdent. Le 19 août 1991, veille de la signature du traité qui concrétise l'autonomie acquise par les républiques constituant l'URSS, les tenants de la ligne dure du parti communiste tentent d'effectuer un coup d'état avec l'appui de quelques unités militaires. Mais, faute de soutien, le putsch échoue et accélère la déclaration d'indépendance des différents états[Note 2] qui constituaient jusque là l'Union soviétique. Moscou est désormais la capitale de la Russie, un pays dont la taille et la population sont nettement plus réduites. Le président de la Russie Boris Eltsine déclenche immédiatement un train de réformes économiques qui visent à insérer le pays dans le mouvement de mondialisation. Mais cette adhésion à l'économie de marché appliquée brutalement se traduit par une hyperinflation et un effondrement de l'activité économique. Par ailleurs l’exécutif devenu libéral par nécessité se heurte au corps législatif resté sur des positions beaucoup plus conservatrices. En octobre 1993 le programme du président est bloqué par l'opposition du Congrès des députés du peuple ce qui déclenche une grave crise constitutionnelle. Eltsine décide de dissoudre le Congrès mais certains de ses membres refusent de plier. Eltsine fait alors intervenir des unités militaires qui bombardent la Maison blanche, siège du Congrès. Près de 200 personnes périssent durant ces affrontements. Cette intervention vient à bout de la résistance parlementaire. Le parti communiste et les partis nationalistes qui avaient pris parti contre le président sont bannis et le nouveau parlement élu à la suite de ces événements accepte d'appuyer les réformes entreprises par Eltsine.

Moscou à l'épreuve de la globalisation Évolution des emplois par branche (%)[16] Branche 1970 1990 2004 Industrie 30,2 22,6 12,8 Bâtiment 10,3 11,7 13,5 Transports 8,1 7,2 6,1 Communications 1,4 1,4 1,6 Commerce, restauration 9,5 9,4 22,9 Services communaux 5,5 4,4 3,8 Santé publique 4,6 6,3 5,5 Éducation 5,2 6,3 6,5 Art et culture 1,4 1,7 21,9 Recherche 17,5 19,6 7 Services financiers 0,5 1,4 3 Administration 4,2 4 3,3 Nbres totaux actifs
(millions) 4,425 5,196 6,079  Siège de Gazprom inauguré en 1995. Les portes de la Résurrection donnant sur la place Rouge démolies en 1931 sont reconstruites en 1995. Les cinq étages de l'ère socialiste au premier plan sont remplacés par des immeubles plus hauts et plus modernes visibles en arrière plan dans les quartiers résidentiels.

Les conséquences pratiques de ces réformes sur la capitale et ses habitants durant la décennie qui suit sont énormes. Moscou perd la position sur la scène internationale que lui conférait son rôle de capitale de l'URSS, un état de dimension comparable pour la population aux États-Unis, et plus généralement du camp socialiste. Le Comecon et le pacte de Varsovie, qui avaient leur siège à Moscou, disparaissent avec l'effondrement du régime. Toutefois Moscou reste la capitale d'un état peuplé dont le caractère centralisé n'est pas remis en cause. Aussi toutes les grandes entreprises russes, qui se constituent à partir des débris des ministères de branches soviétiques, telles que Gazprom ou Lukoil, installent leur siège à Moscou. De nombreuses entreprises étrangères créent des filiales en Russie pour profiter des opportunités engendrées par le changement de régime. Elles choisissent d'implanter le siège à Moscou lieu de pouvoir et également cœur du système de communications et du réseau de transports du pays. Le phénomène de concentration des richesses s'accroit au point qu'en 2001 un tiers du chiffre d'affaires du commerce de détail en Russie est réalisé à Moscou qui ne rassemble pourtant que 8 % de la population du pays[17].

Le secteur du service, quasi inexistant durant l'ère soviétique, explose : les petits commerces se multiplient, les services de proximité (garages, cordonniers...) se développent. Le secteur financier, (banque et assurance) embryonnaire jusque là, accompagne l'envol du commerce et l'apparition d'un marché de l'immobilier pour les particuliers et les entreprises. Le phénomène est général en Russie mais la spécificité moscovite est le développement des services aux entreprises : services bancaires aux entreprises, bourse, sociétés de conseil. Des boutiques de luxe se multiplient et s'installent dans les anciens passages et dans les galeries du Goum. Cette grande surface de détail à l'ère soviétique est colonisée par les grandes marques internationales. Contrepoint de ces développements le secteur industriel, qui était déjà en régression dans les années 1980, se contracte violemment en passant de 1,1 million à 600 000 emplois entre 1990 et 1994 victime de plusieurs facteurs : crise économique, transition difficile vers l'économie de marché, apparition de contraintes de rentabilité, ouverture du marché à la concurrence étrangère proposant des produits de meilleure qualité[17].

La transformation de la ville

Iouri Loujkov, maire de Moscou entre 1992 et 2010, nommé initialement par Boris Eltsine, joue un rôle central dans la transformation de Moscou. Sous sa législature, la ville est profondément restructurée par les programmes immobiliers. La mairie, qui dispose des pleins pouvoirs en matière d'urbanisme, pratique une politique dirigiste tout en privilégiant la rapidité d’exécution. Dans un pays marqué de tous temps par la corruption, cette stratégie encourage les collusions entre décideurs et milieux d'affaires au bénéficie des deux parties[Note 3]. La municipalité est propriétaire d'une grande partie du patrimoine foncier de la ville. Dans un premier temps le maire refuse de brader celui-ci et accorde des baux de 47 ans qui procurent des rentrées importantes dans les caisses de la ville. Ces fonds peuvent être investis dans les projets moscovites. De manière délibérée, le centre de Moscou, à l'intérieur de la ceinture des Jardins, qui abritait des populations diverses, est désormais réservé aux entreprises et aux nouvelles élites sans aucune mixité sociale. Toutefois la municipalité pratique en parallèle une politique sociale qui se traduit par la reconstruction dans les quartiers résidentiels des immeubles collectifs (les « 5 étages ») de très mauvaise qualité dans lesquels logent encore la majorité de la population et qui dataient de l'ère socialiste. Ceux-ci sont remplacés par des immeubles d'un standing correct comportant beaucoup plus d'étages qui contribuent toutefois à accentuer la sévérité du paysage urbain de Moscou[17].

Il cherche notamment à attirer les investisseurs internationaux et fait bâtir, à partir de 1998, le quartier d'affaires Moskva-City. Il doit cependant faire face à la mauvaise image que donne alors la ville de Moscou, le taux d’homicides ayant quadruplé au cours de la première moitié des années 1990. Avec son épouse Elena Batourina, la patronne de l'entreprise de construction Inteko (laquelle devient la première femme milliardaire de Russie au cours du premier mandat de son mari), il lance des projets urbains visant à estomper la marque de l'ère soviétique et à rappeler la période tsariste. Ainsi, la cathédral du Christ-Sauveur est reconstruite entre 1995 et 2000, et une grande statue en l'honneur de Pierre le Grand est inaugurée en 1997[18].

Son administration fait falsifier en masse, à la fin des années 2000, les signatures de propriétaires d'appartement pour confier à des syndics dirigés par des proches la gestion des immeubles d'habitation de la ville. Cette mesure contribue à le discréditer[18].

D'un point de vue architectural, jusqu'à l'éclatement de l'Union soviétique, les dirigeants voulaient faire du centre de Moscou la vitrine du monde socialiste en gommant les spécificités russes. Avec le changement de régime, les objectifs s'inversent. Il s'agit désormais de montrer combien Moscou est russe (slogan repris à l'époque « Moscou au cœur de la Russie »). Le nouveau quartier d'affaires Moskva-City, ensemble constitué des gratte-ciel les plus hauts d'Europe, est une concession relativement isolée au mondialisme. De manière convergente avec le pouvoir et l'église orthodoxe, la mairie encourage les réalisations ancrées dans le passé telles que la reconstruction de la cathédrale Saint-Sauveur, des portes de la Résurrection et de l'église de Notre-Dame de Kazan[17]. De nombreuses églises orthodoxes sont également édifiées dans le cadre du programme-200 lancé en 2010 par le patriarcat de Moscou visant à construire 200 églises orthodoxes à Moscou. Les lieux visés sont en particulier les cités dortoirs des quartiers périphériques qui, édifiées durant l'ère socialiste, en sont souvent dépourvues[19],[Note 4]. Il s'agit sans doute moins sur le fond de ramener la population vers la religion que de russifier la ville. Par ailleurs la Russie profonde est évoquée par des constructions en bois dans les parcs (chapelles, mobilier urbain, parc de jeux pour enfants). Les façades historiques sont restaurées parfois de manière un peu criarde. Ces entreprises de recréation du passé se font toutefois sans beaucoup de respect du patrimoine. Il s'agit plus souvent de pastiches, de façadisme. Mais le résultat donne au centre-ville une physionomie pimpante[17].

Le réseau routier, qui fait face à une explosion du parc des véhicules de particuliers, est renforcé (construction du Troisième anneau routier de Moscou) ou amélioré (MKAD). Le réseau de transports en commun est étendu mais son évolution peine à suivre la croissance démographique qui fait passer la population de la ville de 9 à 11,5 millions habitants entre 1991 et 2010. Durant cette période, la ceinture verte qui entourait Moscou est progressivement mitée par la multiplication des datchas. L'agglomération déborde de la rocade du MKAD et la population des villes satellites, qui entourent Moscou, croit. Les limites administratives de la ville sont étendues. En 1991 la ville nouvelle de Zelenograd située 37 kilomètres au nord-est du Kremlin, est rattachée à Moscou. En 2012, la ville s'accroit de 1 500 km2 et 230 000 habitants en absorbant les districts de Novomoskovski et Troïtski tous deux situés au sud-est de la ville.

Futurs développements

Fin 2013, la mairie de Moscou présente ses objectifs de développement pour les années à venir. Le principal besoin identifié concerne les systèmes de transport. La population intra muros est de 12 millions habitants, mais le nombre de personnes effectivement présentes au quotidien est comprise entre 15 et 20 millions lorsque sont pris en compte les migrants non enregistrés, les travailleurs habitant dans les cités périphériques et les touristes. Par ailleurs la population de Moscou continue de croitre (126 000 nouveaux arrivants officiels pour la seule année 2010). D'ici 2035, il est prévu que quatre millions de nouveaux habitants s'installent à Moscou et que le nombre de déplacements double de volume. Le trafic automobile est une préoccupation particulièrement grave car le parc automobile a doublé entre 2000 et 2012 passant de 2,6 à 4,5 millions de véhicules. Par ailleurs la séparation beaucoup plus nette que par le passé entre les zones d'emplois et les quartiers résidentiels a engendré une forte augmentation des déplacements. Pour traiter ces besoins, la mairie a prévu d'investir 329 milliards de roubles dans les transports en commun et l'infrastructure routière. En 2013, 60 % des déplacements dans les transports en commun sont assurés par le métro de Moscou dont le trafic devrait augmenter de trois millions de passagers par jour. Aussi la mairie prévoit d'accélérer le rythme d'extension de ce réseau en construisant 73 stations d'ici à 2020. La mairie prévoit également d'améliorer les services sociaux par des mesures directes ou indirectes : accès gratuits aux services de santé, assistance aux personnes à faible revenu, âgées ou souffrant de handicaps physiques[20].

Il reste, en 2017, 8 000 immeubles à cinq étages datant de l'époque socialiste et logeant 1,6 million de Moscovites. La mairie annonce à cette date que ces immeubles vont être démolis et ses habitants relogés dans des immeubles plus confortables. Toutefois les propriétaires des lieux s'inquiètent d'un projet dont le coût (environ 60 milliards d'euros) représente deux années du budget de la mairie et dont l'objectif réel est sans doute la récupération des terrains situés près du centre de Moscou[21].

La menace terroriste

Moscou n'est pas à l'abri des événements qui secouent la nation et le monde. La ville est secouée au tournant des années 2000 par une vague d'attentats. En septembre 2000, deux immeubles d'habitations sont détruits entraînant la mort de plus de 200 personnes. La ville subit sporadiquement au cours des années suivantes d'autres actes de violence dont la prise d'otages dans un théâtre faisant environ 170 victimes en 2002, des attentats dans le métro en 2004 et 2010 et un attentat-suicide en 2011 à l'aéroport Domodedovo.

Pierre Lorrain 2010, p. 38-39. Michel Heller : Histoire de la Russie et de son Empire, chap.II, 2015, Éd. Tempus Perrin, (ISBN 978-2262051631) (en) Russia Engages the World: The Building of the Kremlin, 1156–1516, New York Public Library ↑ a b et c (en) « Moscou », Larousse (consulté le 7 juin 2018) Marie Favereau : La Horde. Comment les Mongols ont changé le monde., 2023, Éd. Perrin, (ISBN 978-2262099558) Pierre Lorrain, Moscou et la naissance d'une nation, voir bibliographie. Richard Pipes, Russia Under the Old Regime., 1995, New York, Penguin Books, pp. 61-62 ↑ a b c et d Paul Marchand, Atlas géopolitique de la Russie : le grand retour sur la scène internationale, Paris, Éditions Autrement, 2015, 480 p. (ISBN 978-2-7467-4238-3), « La construction du territoire », p. 1-3/5 ↑ a b c et d Galia Burgel, Encyclopedia Universalis, vol. 12, Encyclopedia Universalis, 1985, 1247 p. (ISBN 2-85229-282-4 (édité erroné)), « Article Moscou », p. 685-686 Jean Radvanyi, La nouvelle Russie, Paris, Armand Colin, 2010, 464 p. (ISBN 978-2-200-25465-0), chap. 7 (« Le goulet des transports »), Trois insuffisances majeures Jean-Jacques Marie, La guerre civile russe 1917-1922 : armées paysannes, rouges, blanches et vertes, Paris, Autrement, coll. « Mémoires » (no 112), 2005, 276 p. (ISBN 978-2-7467-0624-8, OCLC 300977198), p. 19. Bernard Beck, « Moscou et l'architecture soviétique stalinienne », La revue russe, vol. 24,‎ 2004, p. 25-40 (DOI https://doi.org/10.3406/russe.2004.2202, lire en ligne). Élisabeth Essaïan, « Le plan général de reconstruction de Moscou de 1935. La ville, l'architecte et le politique. Héritages culturels et pragmatisme économique », Les Annales de la Recherche Urbaine, no 107,‎ 2012, p. 46-57 (DOI https://doi.org/10.3406/aru.2012.2802, www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_2012_num_107_1_2802). (en) Andreï Ikonnikov, L'Architecture russe de la période soviétique, Pierre Mardaga, 1995, 413 p. (ISBN 978-2-87009-374-0, lire en ligne). Pascal Boniface, Géopolitique des Jeux olympiques, Le Monde diplomatique, 2004. Jean Radvanyi, La nouvelle Russie, Paris, Armand Colin, 2010, 464 p. (ISBN 978-2-200-25465-0), chap. 10 (« Moscou et la région centrale »), Une croissance non contrôlée ↑ a b c d et e Denis Eckert, « Moscou : les mutations d’une capitale (1990-2000) », Revue Russe, vol. La Russie : un autre regard., no 19,‎ 2001, p. 29-36 (DOI https://doi.org/10.3406/russe.2001.2093, lire en ligne) ↑ a et b Vladimir Pawlotsky, « Moscou se rêve en « ville globale » », sur Le Monde diplomatique, 1er novembre 2020 David Coupechoux, « Deux-cents nouvelles églises pour Moscou », Regard sur l'Est,‎ 26 mai 2017 (lire en ligne) (en) Christian · Horn ·, « Moscow, the city for life – Russia », sur Urbanplanet, 1er janvier 2014. Emmanuel Grynszpan, « Vladimir Poutine ordonne la démolition du siècle », Le Temps,‎ 3 mars 2017 (lire en ligne).


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