La Casa Milà (en catalan, « maison Milà » ), surnommée ironiquement « La Pedrera » (en catalan et en espagnol, « la carrière de pierre »), est un édifice de Barcelone, érigé entre 1906 et 1910 par l'architecte catalan Antoni Gaudí.

La Casa Milà, conçue comme un hôtel particulier, est généralement classée comme œuvre monumentale du modernisme catalan de la première décennie du XXe siècle, dont Gaudí était le chef de file. Ce fut l'avant-dernier projet conduit par l'architecte qui utilisa ici ses techniques clefs : l'inspiration naturaliste et l'arc caténaire.

Malgré l'opposition répétée du conseil municipal à l'édification de ce bâtiment en dehors des limites du plan Cerdà et les moqueries des Barcelonais, la Casa Milà fait partie, un siècle après sa construction, des lieux emblématiques de la ville et des dix site...Lire la suite

La Casa Milà (en catalan, « maison Milà » ), surnommée ironiquement « La Pedrera » (en catalan et en espagnol, « la carrière de pierre »), est un édifice de Barcelone, érigé entre 1906 et 1910 par l'architecte catalan Antoni Gaudí.

La Casa Milà, conçue comme un hôtel particulier, est généralement classée comme œuvre monumentale du modernisme catalan de la première décennie du XXe siècle, dont Gaudí était le chef de file. Ce fut l'avant-dernier projet conduit par l'architecte qui utilisa ici ses techniques clefs : l'inspiration naturaliste et l'arc caténaire.

Malgré l'opposition répétée du conseil municipal à l'édification de ce bâtiment en dehors des limites du plan Cerdà et les moqueries des Barcelonais, la Casa Milà fait partie, un siècle après sa construction, des lieux emblématiques de la ville et des dix sites les plus touristiques de Barcelone. Elle figure, depuis 1984, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Le Passeig de Gràcia et le plan Cerdà  Schéma du fonctionnement des croisements du plan Cerdà.

Avant la construction de la Casa Milà, une maison particulière se trouvait à l'intersection du Passeig de Gràcia avec la rue de Provence à mi-chemin entre les municipalités de Barcelone et de Gràcia, avant l'annexion de ce village à la cité comtale de Barcelone en 1897[note 1]. La zone du Passeig de Gràcia avait été incorporée dans le plan Cerdà d'extension de la ville, approuvé en 1859. Celui-ci prévoyait d'une part de ne bâtir que deux des quatre côtés des îlots d'habitations et de réserver l'espace intermédiaire à des jardins — point qui fut rapidement abandonné[1], et d'autre part de chanfreiner les angles de ces îlots afin d'améliorer la visibilité aux intersections[2].

En ce début de XXe siècle le Passeig de Gràcia était devenu l'une des principales artères de la ville, ainsi que le lieu où la bourgeoisie catalane installait ses résidences, dans un bouillonnement constructif où les meilleurs architectes de Barcelone montraient leur savoir-faire, comme dans l'Illa de la Discòrdia, où l'architecte Antoni Gaudí venait de faire construire la Casa Batlló avec l'aide du constructeur Jaume Bayo i Font[3] ; il avait effectué auparavant sur cette avenue deux autres chantiers pour des bâtiments aujourd'hui disparus : la pharmacie Gibert en 1879 et la décoration du bar Torino en 1902[4].

La commande de Pere Milà i Camps
Couple propriétaire de la Casa Milà en 1910
Portrait de Pere Milà i Camps. 
Roser Segimon, épouse de Pere Milà i Camps. 

Ce fut dans ce contexte que Gaudí reçut une commande pour un hôtel particulier de la part de Pere Milà i Camps, un entrepreneur prospère, également promoteur immobilier qui avait ses entrées dans le monde politique local[note 2]. Ce dernier avait épousé Roser Segimon i Artells, une riche veuve qui avait hérité[note 3].

Le couple jouissait alors d'une position privilégiée, ce qui peut expliquer qu'ils aient voulu créer une maison à la conception innovatrice et de grand luxe, suivant la mode barcelonaise d'alors. Ils achetèrent la maison de Josep Antoni Ferrer-Vidal i Soler[note 4] à l'angle du Passeig de Gràcia et de la rue de Provence le 9 juin 1905[5] puis confièrent le projet à Gaudí, dont la renommée comme architecte était déjà établie. À cette époque, celui-ci travaillait sur plusieurs projets : il avait repris le projet de la Sagrada Família depuis 1884, travaillait sur la maison Bellesguard (1900-1909), le parc Güell (1900-1914), achevait la Casa Batlló (1904-1906) et restaurait la cathédrale de Palma de Majorque (1903-1914)[6].

En outre, Pere Milà connaissait bien Josep Batlló qui était un des sociétaires d'une de ses entreprises textiles. Il sollicita une visite de la Casa Batlló alors qu'elle était en cours d’achèvement et en profita pour rencontrer Gaudí[7].

Le projet de Milà était de construire un édifice de grandes dimensions, et, suivant la coutume de l'époque, de s'attribuer le premier étage pour sa propre résidence et de destiner le reste à la location. La partie inférieure serait quant à elle réservée à des commerces[8]. Le 2 février 1906, les plans furent présentés au conseil municipal ainsi qu'une demande pour un permis de construire.

Les problèmes administratifs  En 1911, les balcons de la Casa Milà n'étaient pas encore installés. Certificat d'achèvement des travaux rédigé par Gaudí : « D. Antonio Gaudí y Cornet, architecte, résidant dans cette ville, certifie que, selon mes plans et sous ma direction, a été construite la maison située sur le Passeig de Gràcia au no 92[9] et la rue de Provence aux nos 261, 263, 265 et 267 dans cette ville (Gràcia), qu'elle appartient à Mme Roser Segimon i Artells, et est prête à être louée à ce jour.
Pour valoir ce que de droit, signé à Barcelone le 21 octobre 1912. »

La construction souffrit divers retards. L'édifice dépassait en hauteur et en largeur ce qui avait été accepté par le conseil, et Milà dut payer une amende. De plus, Gaudí abandonna la direction de l'œuvre en 1909 en raison de divergences avec Milà à propos de la décoration intérieure. La relation entre Gaudí et Milà se refroidit au point que l'architecte et le promoteur durent réclamer en justice leurs honoraires, d'environ 105 000 pesetas, somme que l'architecte reversa aux jésuites[10]. Pour faire face à ses obligations et s'acquitter de sa dette, Milà dut hypothéquer la maison[11].

La première polémique avec l'administration se produisit lorsqu'en décembre 1907, le conseil municipal arrêta le chantier parce qu'un pilier occupait une partie du trottoir sans respecter l'alignement des façades. Quand la nouvelle lui fut communiquée, Gaudí y répondit avec son ironie habituelle[12] :

« Dites-leur que s'ils veulent, nous couperons le pilier comme si c'était un fromage, et que sur la face polie restante, nous sculpterons une légende qui dira : coupée, par ordre du conseil municipal et selon un accord de la séance plénière de telle date. »

Cependant, la décision d'arrêt du chantier ne fut pas respectée, et Gaudí continua son travail. Le 28 septembre 1909, de nouvelles difficultés administratives surgirent : l'édifice dépassait la hauteur prévue et excédait le volume d'environ 4 000 m3[13]. Le conseil municipal réclama une amende de 100 000 pesetas — environ 25 % du coût de l'édifice — sous peine d'abattre les combles et la terrasse. La polémique se conclut un an et demi plus tard, le 28 décembre 1910, quand la commission d'agrandissement de Barcelone certifia qu'il s'agissait d'un édifice monumental et qu'il n'était donc pas requis qu'il s'adaptât parfaitement aux ordonnances municipales[14].

« Il saute aux yeux que l'édifice en question, quel que soit son destin, a un caractère artistique qui le distingue des autres édifices particuliers, lui donnant une physionomie spéciale à laquelle l'œuvre réalisée contribue en grande partie en se séparant des plans approuvés[15]. »

Cette solution convint à Gaudí, qui réalisa une copie de la certification pour la conserver. Enfin, en 1910, les Milà demandèrent au conseil municipal la permission de louer les appartements de l'édifice, mais celle-ci ne fut accordée qu'en octobre 1912, au moment où Gaudí annonça la fin des travaux[16].

La construction  La Casa Milà en travaux.

Le déroulement de la construction fut raconté plusieurs années après à l'historien Joan Bassegoda par le constructeur Josep Bayo[17]. Selon ce dernier, la maison antérieure fut tout d'abord partiellement démolie, de façon à laisser une partie de la structure intacte pour servir de baraque aux ouvriers. Les assistants de Gaudí y recopiaient proprement les croquis que leur donnait l'architecte. Immédiatement après, le terrain fut creusé de 4 m, pour réaliser les sous-sols et les fondations. Après avoir couvert cet espace, l'atelier y fut installé et le reste de la maison fut abattu[17].

Un béton à base d'un mélange de graviers, de pierres de Montjuïc et de mortier de chaux servit à la fabrication des fondations. Sur celles-ci, on érigea des piliers, certains en fonte. Les autres piliers furent maçonnés en réutilisant les briques de la maison détruite. Une fois le sous-sol terminé, les ouvriers procédèrent à la construction du reste des appartements, pendant que la façade, indépendante du reste de l'édifice, était imaginée par Gaudí. L'architecte supervisait la création des maquettes de plâtre par Joan Bertran. Ces maquettes furent par la suite découpées et servirent de modèle à l'œuvre réelle : les tailleurs de pierre suivirent fidèlement leur structure. Un système de poutres fut utilisé pour les autres étages dont notamment des poutres en fer disposées en forme de voûte catalane, unies au moyen de boulons et de vis, sans soudure. La façade fut couverte de pierres en forme d'arcs ondulés, qui furent retouchées peu à peu par les tailleurs de pierre jusqu'à obtenir la forme désirée par Gaudí. Enfin, le grenier fut construit, dessiné indépendamment du reste du bâtiment, avec un système d'arcs caténaires en brique. La terrasse fut construite par-dessus, sa forme s'adaptant aux différentes hauteurs des arcs du grenier[17].

Son propriétaire la présenta au concours annuel des bâtiments artistiques organisé par le conseil municipal de Barcelone, où concouraient également en 1910 deux œuvres d'Enric Sagnier i Villavecchia (264, rue de Majorque et la Casa Roman Macaya[note 5]), ainsi que la maison Gustà, résidence privée de l'architecte Jaume Gustà i Bondia, et la maison Pérez Samanillo, œuvre de Joan Josep Hervas i Arizmendi. Bien que la maison Milà ait été la plus spectaculaire et clairement favorite, le jury l'écarta au profit de la maison de Pérez Samanillo, actuel siège du Centre équestre[18], en déclarant que « bien que les façades soient terminées, il manque beaucoup de travail pour que [l'édifice] soit totalement fini, terminé, et en parfait état d'appréciation[18]. »

Depuis l'achèvement de la Casa Milà

Durant la guerre civile espagnole, la Casa Milà fut occupée par le Parti socialiste unifié de Catalogne, dont le secrétaire général, Joan Comorera, s'installa à l'étage principal. Les Milà, qui étaient à Blanes pour l'été, y restèrent au début du conflit. Ils rejoignirent le camp nationaliste et ne revinrent chez eux qu'à l'issue de la guerre. Père Milà décéda un an plus tard, en 1940 et, en 1946, sa femme vendit l'immeuble à la « compagnie immobilière de la Sainte Providence (CIPSA) », bien qu'elle continua à vivre à son étage jusqu'à son décès en 1964[19].

La Casa Milà souffrit diverses vicissitudes. En 1927, Roser Segimon demanda au constructeur Josep Bayo de rénover l'intérieur de l'appartement principal qu'elle n'appréciait pas : la décoration réalisée par Gaudí fut perdue. Le premier commerce à s'installer dans le bâtiment fut un tailleur qui ouvrit en 1928[8]. En 1932, les charbonniers, installés au rez-de-chaussée, transformèrent les magasins en éliminant les grilles en fer qui séparaient le demi-sous-sol de la rue[note 6].

Les combles furent remodelés en 1953-1954 par l'architecte Francisco Barba Corsini. La société CIPSA y fit installer treize appartements, dans un style moderniste éloigné du projet de Gaudí. En 1966, l'étage principal fut transformé en bureaux pour l'entreprise de Leopoldo Gil Nebot. Entre 1971 et 1975, une première restauration fut effectuée par José Antonio Comas de Mendoza. En 1986, la Caixa Catalunya acquit le bâtiment et y fit effectuer des travaux de conservation et de restauration par José Emilio Hernandez Cros et Rafael Villa. Ils durèrent jusqu'en 1996 et permirent de retrouver le dessin original élaboré par Gaudí. La société maintint l'édifice ouvert au public, les touristes pouvant y admirer les appartements du quatrième étage, le grenier et la terrasse. Les autres étages étaient occupés par des bureaux et quelques familles résidentes[21]. Les combles accueillent aujourd'hui l'Espace Gaudí, une exposition sur la vie et les œuvres de l'artiste, avec des maquettes et du matériel audiovisuel sur les principales innovations réalisées par l'architecte catalan[22].

Depuis 2013, le propriétaire de l'équipement est le Fundació Catalunya-La Pedrera, qui est responsable de l'organisation des expositions, des activités et des visites.

La Casa Milà fut déclarée monument historique d'Espagne en 1969 et, en 1984, l'UNESCO l'inclut dans le programme « Œuvres d'Antoni Gaudí » du patrimoine mondial de l'Humanité, conjointement avec le parc Güell, le palais Güell, la Casa Vicens, la façade de la Nativité et la crypte de la Sagrada Família, la Casa Batlló et la crypte de la Colonie Güell[23].

Depuis son ouverture au public en 1987, la Casa Milà a été visitée plus de 20 millions de fois, soit environ un million de visiteurs par an, ce qui la place dans les dix lieux les plus visités de Barcelone[24].


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Exposition de l'UNESCO, Cerdà de l'origine au futur de l'urbanisme (lire en ligne), « L'évolution de l'Eixample » Permanyer 2008, p. 67 Bassegoda i Nonell 2002, p. 197 Asarta et Corredor Matheos 1998, p. 42 « Monogràfic: La Pedrera », 1992, p. 26 Giordano et al. 2008, p. 17 Bassegoda i Nonell 2001, p. 83-87 ↑ a et b Giordano et al. 2008, p. 24 à Barcelone. Consulté le 9 décembre 2012. Bassegoda i Nonell 1989, p. 522 « Monogràfic: La Pedrera », 1992, p. 35 Bassegoda i Nonell 2002, p. 201 Bassegoda i Nonell 2002, p. 203 (mul) « La Pedrera », sur gaudiclub.com (consulté le 15 décembre 2012). Bassegoda i Nonell 2002, p. 204 Giordano et al. 2008, p. 99 ↑ a b et c Bassegoda i Nonell et Rovira 1987, p. 21-28 ↑ a et b (es) Annuaire de l'association des architectes de Catalogne [« Anuario de la Asociación de arquitectos de Cataluña »], 1912, p. 28 (ca) Josep Maria Huertas Claveria, La Pedrera : arquitectura e historia, Caixa Catalunya, 1999, 227 p. (ISBN 978-84-87135-35-4, lire en ligne), « L'herència de l'indià », p. 187-224 (Asarta et Corredor Matheos 1998, p. 105) Crippa 2003, p. 75-77 Giordano et al. 2008, p. 109-117 Crippa 2003, p. 77 Guide touristique de Barcelone. Consulté le 10 décembre 2012.
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