Chiesa della Martorana

( Église de la Martorana )

L'église de la Martorana, appelée aussi Santa Maria dell'Ammiraglio (Sainte-Marie-de-l'Amiral), située à Palerme sur la place Bellini, est une église en croix grecque qui connut des transformations importantes aux XIIIe et XIVe siècles. Les offices — catholiques — y sont célébrés dans le rite byzantin. Ses parties les plus anciennes sont représentatives d'une architecture byzanto-normande commune en Sicile à cette époque.

Fondation  Inscription arabe.

Comme le montre une inscription gréco-arabe de 1143[1], une inscription grecque sur la façade Sud extérieure et sa transcription sur des mosaïques pour la consécration de l'édifice, l'église fut fondée en 1143[2], selon la volonté de Georges d'Antioche (1101 - 1154).

Grand amiral, grec orthodoxe, syriaque (né en Syrie), il fut au service du roi normand Roger II (1105-1154) comme son principal ministre de 1108 à 1151. La présence en Sicile de cet homme, à la carrière militaire et administrative brillante, est attestée dès 1114

Le sanctuaire fut dédié à la Vierge Marie, d'où son nom « Santa Maria dell'Ammiraglio » et un programme iconographique, notamment les mosaïques, qui lui est principalement dédiée[3].

Éléments d'architecture primitive

La partie la plus ancienne de Sainte-Marie de l’Amiral possédait un plan en forme de croix grecque inscrite. Elle est ordonnée et décorée comme une église byzantine à quatre colonnes portant une coupole centrale sur trompes, décorée de mosaïques à fond d'or, hormis pour les arcs brisés d'inspiration normande[4].

À l’est se trouvent trois absides semi-circulaires et saillantes, la principale constituant le sanctuaire. L’entrée d'origine, à l’ouest, était probablement constituée de trois portes. Il ne reste aujourd'hui que le portail central, donnant sur un narthex (très retravaillé au XVIIe siècle) et une cour intérieure comme dans les premières églises chrétiennes. Dans cette partie du bâtiment, se trouvait probablement la tombe du fondateur et de sa femme.

La structure des murs extérieurs, dotés de niches peu profondes, dont les fenêtres sont encadrées par une série d’arcs concentriques, trouve aussi des parallèles dans la tradition islamique

On accède à l'église par un campanile-portique dont le dôme détruit lors du tremblement de terre de 1726, n'a jamais été reconstruit[5]. Il s'agit d'une construction à trois ordres sur plan carré du XIIe siècle, très influencée par l'architecture normande entre style roman et gothique primitif. Il est ouvert en bas par de larges arcades surmontées de trois étages de fenêtres polylobées à deux baies jumelées. Les tourelles d’angles ornées de colonnes au dernier étage s’inspirent également des traditions architecturales normandes. Autrefois séparé du bâtiment, il a été rattaché à l'église au XVIe siècle, lors de l'adjonction de deux travées.

Ibn Djubayr la décrit en 1184 comme « l'un des édifices des infidèles les plus extraordinaires que nous ayons vus » :

« Nous l’avons visitée le jour de la Nativité qui est pour les chrétiens une très grande fête à laquelle ils se rendent en foule, hommes et femmes. Son architecture nous offrit un spectacle indescriptible, tel qu'il faut décider qu'elle est le plus merveilleux des ouvrages de ce bas-monde. Ses murs sont, à l'intérieur, entièrement revêtus d’or, avec des plaques de marbre de différentes couleurs, tel qu'on n'en vit jamais de pareil ; les murs sont ornés partout de mosaïques d'or et couronnés d’arborescences en mosaïque verte. A la partie supérieure s’alignent harmonieusement des fenêtres aux vitraux dorés, dont les feux étincelants ravissent le regard et seraient capables de jeter dans les âmes un trouble dont nous prions Dieu de nous garantir. On nous apprit que celui qui l'a construite, et dont elle porte le nom, y a dépensé des tonnes d'or, il était ministre du grand-père de l'actuel roi polythéiste. Cette église a un clocher qui repose sur des piliers-colonnes en marbre de différentes couleurs, et une coupole y est élevée sur d'autres colonnes ; on l'appelle le "Clocher des colonnes". C'est la construction la plus extraordinaire qui soit[6]. »

Destinée de l'édifice

En 1193, les maisons voisines furent affectées à un couvent dédié à Saint Basile. En 1394, ce dernier est cédé aux bénédictins de la couronne normande. Il devient le couvent de la Martorana, soit du nom de son fondateur (Goffridus de Marturana[5] ou Eloisa della Martorana selon les versions), soit du nom des propriétaires du terrain. En 1433 / 1434 l'église est intégrée à l'ensemble monastique et prend à son tour le nom de Martorana.

Modifications ultérieures  Fresques d'Olivio Sozzi (XVIIe siècle). Vue des voûtes et coupoles de l'église permettant de voir les mosaïques originelles (en haut) et les fresques baroques ultérieures (en bas).

À la fin du XVIe siècle des transformations importantes furent réalisée : toute la partie ouest de l’édifice fut détruite. De nouvelles annexes furent ajoutées, ce qui doubla la longueur de l’église. Entre 1683 et le milieu du XVIIIe siècle des ajouts de style baroque modifièrent la décoration de l’église. On y ajouta également la chapelle dédiée à sainte Bénédicte et une sacristie à l’est.

Entre 1683-1687, l'abside centrale fut détruite et remplacée par une abside rectangulaire, selon le projet de Paolo Amato. En 1740, Nicolò Palma proposa une nouvelle façade, selon le goût baroque de l'époque, donnant sur la place. Ainsi, le campanile, originellement distinct de l'église lui est rattaché[5]. En 1846, le niveau de la place fut abaissé et un petit escalier fut construit.

Dans les années 1870-1873, Giuseppe Patricolo, membre de la Commissione di Antichità e Belle Arti, entreprit la restauration de l'église qui avait pour but de lui rendre son état du XIIe siècle. Il enleva les marbres du XVIIIe siècle des murs du presbytère (dont on avait prévu la destruction) et rétablit le mur de clôture d'origine. Sa méthode de restauration fit l’objet de fortes critiques par la suite.

Il s'agit de l'acte de donation de Georges d'Antioche - Source : voir l'ouvrage de Bruno Lavagnini, L'epigramma e il committente, dans la bibliographie L’église n’est pas datée avec précision, mais l'inscription en arabe et en grec, datée de mai 1143, parle de la construction au passé et indique des embellissements - Source : Kitzinger, E., The mosaics of St. Mary's of the admiral in Palermo, 1990. Thomas Creissen, « Architecture religieuse et politique. À propos des mosaïques des parties basses de l'abside dans la cathédrale de Cefalù », Cahiers de Civilisation Médiévale, vol. 46, no 183,‎ 2003, p. 247–263 (DOI 10.3406/ccmed.2003.2859, lire en ligne, consulté le 10 mai 2020) Werner Szambien, Martin Kew Meade, Simona Talenti, L'architecture normande en Europe, Identité et échanges, Editions Parenthèses, 2002 ↑ a b et c Pierre Lévêque, « Les monuments normands de Palerme », La Sicile, Presses Universitaires de France, « Nous partons pour », 1989, p. 303-316. [lire en ligne] Ibn Djubayr, Voyages, trad. M. Gaudefroy-Demombynes, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1949, pp. 389-391, cité dans Pierre Guichard, « Une capitale "islamo-chrétienne" : Palerme dans la seconde moitié du xiie siècle », dans L'Espagne et la Sicile musulmanes : Aux xie et xiie siècles, Presses universitaires de Lyon, coll. « Collection d’histoire et d’archéologie médiévales », 5 novembre 2019 (ISBN 978-2-7297-1065-1, lire en ligne), p. 71–74.
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