Chan Chan (ou Chanchán) est un site archéologique précolombien de la région de La Libertad, à 5 kilomètres à l'ouest de la ville de Trujillo, sur le territoire de la station balnéaire de Huanchaco au Pérou.
Chan Chan est situé sur la côte de l'océan Pacifique non loin de l'embouchure de la vallée du fleuve Moche, c'était la plus grande ville de l'ère précolombienne en Amérique du Sud et la capitale de l'empire historique du Chimor de 900 à 1470,.
La signification originale et la langue d'origine du toponym "Chan Chan" restent des questions non résolues par les spécialistes. Des chercheurs comme Ernst Middendorf, Jorge Zevallos Quiñones, Rodolfo Cerrón-Palomino et Matthias Urban se sont penchés sur la question. L'énigme est rendue difficile, d'une part, par la nature erratique de sa trace écrite dans les documents coloniaux et, d'autre part, par la situation linguistique de la côte nord-péruvienne préhispanique. Comme on le sait, la région de Trujillo présentait les langues mochica, quingnam, culli et quechua, entre autres, dont seules la mochica et la quechua sont suffisamment documentées. En ce qui concerne la variation de la trace écrite, il convient de noter que le toponyme apparaît pour la première fois dans la documentation sous la forme "Cauchan" dans l'acte de fondation du conseil municipal de Trujillo de 1536[1]. Il a également été proposé que le nom "Canda" proposé par Gonzalo Fernández de Oviedo pour désigner Trujillo soit une autre variante écrite du "Chan Chan"[2]. La forme "Chanchan" n'apparaît dans la documentation de manière stable qu'à partir de la moitié du XVIIe siècle.
Selon l'examen des antécédents proposé par Urban, il y a eu trois propositions étymologiques antérieures pour le toponyme, dont deux peuvent être considérées comme totalement fantaisistes et non motivées. Méritent ce dernier qualificatif les étymologies de H. Bauman comme 'ville des serpents', qui fait appel de manière non motivée aux langues mésoaméricaines, et celle de J. Kimmich comme 'ville de la lune', qui fait appel de manière non motivée à un mot caribéen pour 'lune'. La troisième hypothèse étymologique a été avancée par l'Allemand Ernst Middendorf, qui propose comme étymon le nom mochica xllang pour 'soleil' et trouve dans le toponyme une réduplication de cette mot[3]. Sans être convaincu par aucune de ces propositions, Urban penche pour l'attribution provisoire du toponyme à la langue éteinte du quingnam, déjà proposée par Zevallos Quiñones au XXème siècle. Selon ces auteurs, bien qu'il ne soit pas possible de proposer un étymon ni un sens premier pour le toponyme, l'attribution au quingnam est justifiée par le fait qu'il s'agissait de la langue du royaume de Chimú et par la similitude de sa structure avec d'autres toponymes et anthroponymes régionaux également apparemment constitués par la réduplication de deux racines monosyllabiques[4]. Urban conclut que
« [...]pour le moment, il n'y a pas d'autre solution que de conclure avec Zevallos Quiñones ([1995] 2010, p. 11) : "Tant qu'il n'y aura pas de découvertes grammaticales sur la propre langue de Chimo, le Quingnam, dans aucune archive américaine ou européenne contenant des sermons, des vocabulaires, etc. nous resterons sans connaître le terme Chan Chan, puisqu'il n'y a pas d'aide scientifique possible". »
— Urban (2017, p. 135)
Plus récemment, le linguiste Rodolfo Cerrón-Palomino a proposé une étymologie quechua pour le toponyme. Selon son hypothèse, tant la forme " Chanchan " que les variantes " Cauchan " et " Canda " pourraient s'expliquer par un étymon quechua kanĉa 'corral, clôture, lieu clôturé' et le morphème toponymique quechumarien *-n (d'étymologie aymara probable). Ainsi, la prononciation actuelle serait le produit d'un "piège orthographique", puisqu'à l'origine les lettres <ch> aurait été utilisé pour représenter le son d'une occlusive vélaire sourde [k] en début de mot. À l'origine, le toponyme aurait été *kanĉa-n(i ) '(lieu) où les clôtures/corrals abondent'. Selon cette proposition, le toponyme ne vendrait du mochica ni du quingnam, ni aussi ancien dans le temps[5], mais Urban a rejeté l'hypothèse de Cerrón-Palomino comme peu plausible et a ratifié ses conclusions antérieures[6].
Époque ChimúD'une superficie d'environ 20 km2 à l'origine, Chan Chan aurait été construit vers 850 par le royaume de Chimor (de la culture Chimú), une civilisation intermédiaire tardive qui se développa sur les ruines de la civilisation Moche[7].
La cité de terre (en adobe) de Chan Chan a été la capitale de ce royaume jusqu'à sa conquête par l'Empire Inca au XVe siècle[7]. La ville aurait compté environ 30 000 habitants et peut-être même le double ou le triple selon les sources consultées[8].
Chan Chan se trouve dans une partie particulièrement aride du désert côtier du nord du Pérou[9]. En raison du manque de pluie dans cette région, la principale source d'eau de Chan Chan est constituée par les rivières qui transportent les eaux de ruissellement des Andes[10], eaux qui étaient parfaitement gérées et exploitées par les habitants grâce à des systèmes d'irrigation.
Les estimations actuelles indiquent que la cité qui comptait entre 20 000 et 30 000 habitants à sa fondation, aurait rassemblée de 60 000 à 100 000 habitants lorsque le royaume s'est développé (à partir d'environ 1300).
À l'époque colonialeAprès la conquête de l'empire Chimú par les Incas vers 1470, Chan Chan est tombé en déclin.
Lorsque Tupac Yupanqui assiégea la ville en 1470 et détruisit les aqueducs qui l'alimentaient en eau, la population fut réduite à environ 5 000 ou 10 000 personnes.
En 1535, Francisco Pizarro fonda la ville espagnole de Trujillo qui relégua Chan Chan dans l'ombre. Bien qu'elle ne soit plus une capitale florissante, Chan Chan était encore bien connue pour ses grandes richesses et a donc été pillée par les Espagnols. Un trésor équivalent à 80 000 pesos d'or y aurait été récupéré (près de 5 000 000 000 $ US).
Après la conquête espagnole, la population totale du royaume Chimú qui était à l'époque de 500 000 personnes, fut réduite à 40 000 habitants en un siècle[11].
À l'époque de la Vice-royauté du Pérou (1532-1821), Chan Chan fut l'objet de pillages et de destructions multiples, car on croyait qu'il s'y cachait un grand trésor d'or et d'argent.
Pendant l'ère républicaineLe 27 juillet 1932, pendant la Révolution de Trujillo (1932) (en), un nombre indéterminé de citoyens furent fusillés dans les ruines de Chan Chan par des membres de l'armée péruvienne, en représailles de l'attaque par les guérilleros de l'APRA de la caserne O'Donovan où furent tués plusieurs soldats Urristas (de UR pour Unión Revolucionaria le parti fasciste au pouvoir sous le gouvernement du général Luis Miguel Sánchez Cerro).
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