Contexte de Albanie

L'Albanie, en forme longue la république d'Albanie (en albanais : Shqipëria et Republika e Shqipërisë /ɾɛpuˈblika ɛ ʃLire la suite

L'Albanie, en forme longue la république d'Albanie (en albanais : Shqipëria et Republika e Shqipërisë /ɾɛpuˈblika ɛ ʃcipəˈɾiːsə/, littéralement « pays des aigles »), est une république située en Europe du Sud, dans la partie occidentale de la péninsule des Balkans. Elle possède une façade maritime à l'ouest, donnant sur la mer Adriatique et la mer Ionienne. L'Albanie partage également des frontières communes avec le Monténégro au nord et nord-ouest, le Kosovo au nord et nord-est, la Macédoine du Nord à l'est et nord-est et la Grèce au sud-est.

Constitutionnellement, le pays a un régime politique de type démocratie parlementaire, sa capitale, Tirana, est aussi sa plus grande ville (558 000 habitants en 2018) et sa langue officielle est l'albanais. L'Albanie fait actuellement partie de l'OTAN et a officiellement posé, le , sa candidature pour faire partie de l'Union européenne, candidature reconnue par le Conseil européen le . De nombreux albanophones vivent aussi au Kosovo (où ils sont majoritaires), en Macédoine du Nord (Ouest), au Monténégro (Ulcinj), dans le Sud de la Serbie centrale (vallée de Preševo, Medveđa), en Grèce (Chameria) et en Italie du Sud. La langue albanaise compte 7 millions de locuteurs ; d'autres communautés issues d'une émigration récente existent en Europe occidentale et aux États-Unis.

C'est au cours du Néolithique que l'on relève les premiers signes de peuplement sédentaire de l'Albanie. Dans l'Antiquité, le pays était peuplé d'Illyriens, hellénisés sur la côte et dans le Sud au VIIe siècle av. J.-C. Au IIIe siècle av. J.-C., l'actuelle Albanie fit partie de la Macédoine, puis, au IIe siècle av. J.-C., de l'Empire romain, devenu byzantin en se christianisant. Au Moyen Âge, l'actuelle Albanie est la principale composante du despotat d'Épire avant de s'émanciper au XVe siècle sous la bannière de Scanderbeg. Devenue pour quatre siècles une province ottomane, mais subissant l'influence vénitienne sur la côte, l'Albanie se partage alors entre le christianisme (catholique sur la côte, orthodoxe dans le Sud) et l'islam (hanafite qui devient majoritaire, ou bektachi). Sous l'égide de l'Autriche-Hongrie et de son envoyé l'albanologue Franz Nopcsa, le pays proclame son indépendance en 1912. Ses frontières actuelles ont été fixées en 1919, à la suite du traité de Versailles.

Plus à propos Albanie

Informations de base
  • Devise Lek (monnaie)
  • Nom natif Shqipëria
  • Indicatif d'appel +355
  • Domaine Internet .al
  • Mains voltage 220V/50Hz
  • Democracy index 6.11
Population, Area & Driving side
  • Population 2793592
  • Zone 28748
  • Côté conduite right
Historique
  • Préhistoire, protohistoire et Antiquité
    Monnaies illyriennes IIe siècle av. J.-C. 
    Monnaies illyriennes, IIe siècle av. J.-C.
     
    Les « Illyriens proprement dits » de Pline l'Ancien.

    Les nombreux sites archéologiques témoignent d'une population sédentaire en Albanie depuis le néolithique. Les origines des Albanais sont clairement indo-européennes[1] mais les détails de leur ethnogenèse sont discutés : la thèse officielle de l'historiographie albanaise en fait des autochtones plus ou moins exclusivement issus des peuples que l'historien grec Hérodote appelait au milieu du Ve siècle av. J.-C. « Pélasges »[2],[3], et plus précisément des Illyriens, mais d'autres thèses, se basant sur les éléments linguistiques, y adjoignent aussi des influences thraco-daces, avec des apports carpiens, romans, slaves et turcs[4]. Beaucoup de chercheurs albanais affirment que le peuple albanais descend directement d'une tribu illyrienne : les « Albani » ou « Albanët »[5], vivant déjà dans l'Albanie d'aujourd'hui et issue des Pélasges, qui auraient vécu là depuis des milliers d'années avant Jésus Christ[6],[7].

    Quoi qu'il en soit, dans l'antiquité, le territoire de l'Albanie actuelle était habité par des peuples indo-européens en majorité illyriens, mais pour partie hellénisés : Ardiéens, Bryges, Chaoniens, Enchéléiens, Parthénies et Taulantiens[8],[9],[10],[11],[12],[13]. Vers le VIIe siècle av. J.-C. furent fondées d'importantes colonies grecques sur la côte, comme Orikos, Aulon (aujourd'hui Vlorë), Apollonie, Epidamnos (aujourd'hui Durrës), et Lissos (aujourd'hui Lezhë)[14].

    Les royaumes illyriens sont unifiés en 385 av. J.-C. par Bardylis Ier, roi des Enchéléiens. Cet État atteint l'apogée de sa puissance sous les règnes du roi Agron puis de sa femme, la régente Teuta. La capitale de ce royaume était la ville de Scutari (située au nord de l'Albanie actuelle) au milieu du IIIe siècle av. J.-C.. Il s'étendait de la côte dalmate jusqu'à l'Albanie centrale en passant par les territoires actuels de l'Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie méridionale et du Kosovo[15]. Pline l'Ancien emploie l'expression « Illyrii proprie dicti » (Illyriens proprement dits) pour désigner les populations qui y vivaient[16]. Ce royaume arma des navires corsaires, mettant ainsi en danger le commerce de la République romaine[17] qui réagit : en 168 av. J.-C., Rome conquiert l’Illyrie, qui reste sous son autorité pendant plus de cinq siècles, devenant un carrefour routier et maritime reliant Rome et Constantinople par la via Egnatia. Pendant cette période, les ports de Dyrrachium (Durrës), Apollonie ou Oricum se transforment en d’importantes places commerciales[18].

    La division de l'Empire romain en 395 partage l’Illyrie entre l’Empire romain d'Occident (à l’Ouest d’une ligne suivant la Drina et allant des sources de celle-ci aux bouches de Kotor) et l’Empire romain d’Orient (à l’Est de cette ligne). Les provinces illyriennes sont dévastées par les tribus nomades des Goths au IVe siècle et des Huns au Ve siècle. Au VIIe siècle arrivent les Slaves méridionaux (futurs Croates, Serbes et Bulgares)[19] qui absorbent en partie les populations illyriennes, mentionnées pour la dernière fois sous cette dénomination dans Miracula Sancti Dimitrii au VIIe siècle[20].

    Byllis. 

    Byllis.

    Phœnicè. 

    Phœnicè.

    Apollonie. 

    Apollonie.

    Butrint. 

    Butrint.

    Moyen Âge

    Les Albanais modernes sont mentionnés pour la première fois au XIe siècle par l'historien byzantin Michaelis Attaleiates dans son Histoire qui cite des Albanoï ayant participé à un soulèvement contre Constantinople en 1043, et des Arbanitai qui étaient des habitants du duché de Dyrrachion (Durrës), la nouvelle Épire. Vers 1081, un autre historien, Ioannis Scylitzes, évoque des Arvanites (dénomination grecque des Albanais orthodoxes) qui constituent une partie des troupes réunies par le duc de Durrës, Nicéphorus Basilacius, en rébellion contre Constantinople. Mention des Albanais est faite aussi au XIe siècle dans la chronique d'Anne Comnène, la fille de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène. Ce dernier est alors confronté à l'invasion normande conduite par Robert Guiscard. Ce dernier sera battu à Shën Koll (Saint-Nicolas), près de Durrës, et selon la chronique il aurait pu vaincre « s'il avait attendu les Arvanites ». Replié ensuite vers Ohrid, il aurait donné le commandement de la place de Durrës au komiskort (seigneur) de l'Arbanon.

    De 1272 aux années 1280, la région se trouve sous le contrôle de Charles d'Anjou (frère de Saint Louis, installé d'abord en Sicile), qui se proclame rex Albaniæ. Le territoire de ce royaume a la forme d'un rectangle dont les sommets sont aujourd'hui à Bar (anciennement Tivar), Prizren (Dardanie), Ohrid et Vlora (Sud de l'Albanie actuelle). Cela ne correspond qu'à une partie seulement du territoire sur lequel vivaient les tribus identifiées comme illyriennes dans l'Antiquité[21].

    Les Normands, qui gouvernaient le Sud de l'Italie, conquirent Durrës en 1081. Les Byzantins reconquirent l'Albanie en 1083. Des Normands y retournèrent en 1107 et encore en 1185 mais furent rapidement expulsés. En 1190, le prince albanais Progon (en) réussit à instaurer un État indépendant qui se maintient jusqu’à la moitié du XIIIe siècle. Le Second Empire bulgare qui atteint son apogée sous le règne d'Ivan Assèn II (1218-1241), chutera à la mort de celui-ci. Un siècle plus tard, un empire serbe atteint son apogée au milieu du XIVe siècle, sous le règne d’Étienne IV Douchan (1331 à 1355), période pendant laquelle une partie du Nord de l'Albanie (jusqu'à Durrës où commençaient les territoires appartenant à la république de Venise) est sous sa domination (13 ans).

     
    Les migrations des Albanais, 1300-1350.

    L'historiographie fait apparaître l'existence de plusieurs principautés albanaises avec l'effondrement de l'empire de Dušan et les premières incursions ottomanes dans l'Ouest des Balkans autour de 1385. De puissants seigneurs albanais dirigeaient la plupart des régions albanophones des Balkans, de Kosovo à Arta.

    Ces principautés étaient le despotat de Gjergj Balsha de Shkodër, puissante famille catholique albanaise qui avait réussi à travers des alliances matrimoniales avec les Serbes (Balsha I, II et III) à régner sur l'empire de Zeta (actuels Albanie du Nord, Kosovo et Monténégro), le despotat des Aranit (en) régnant sur les territoires des Topia (en), de Durrës à Ohrid, le despotat d'Arta qui s'étendait jusqu'au golfe de Corinthe, la principauté des Zenebish (en) (basée à la ville de Gjirokastër), et celle des Muzaka (en) (régnant de Berat à Kastoria en Macédoine).

    Les territoires de ces principautés n'étaient pas stables à cause des divisions et regroupements qui se faisaient en relation avec des partages d'héritages, des mariages et l'évolution des rapports de force. Lors de l'attaque ottomane de la bataille de Kosovo Polje (1389), dans laquelle prirent part toutes les forces balkaniques (Albanais, Hongrois, Valaques, Serbes et Bosniaques), la défaite fut avant tout une défaite albanaise[réf. nécessaire]. Si ces forces semblent avoir accepté la direction du prince Lazar Hrebeljanović (Lazare de Serbie) c'est vraisemblablement parce qu'il était plus directement concerné, la confrontation se faisant au sud de la Serbie. Environ un quart de toutes les forces mobilisées de la coalition étaient albanais[réf. nécessaire]. Les plus grands chefs féodaux albanais, tels Gjergj II Balsha (en), seigneur de Shkodër, et Teodor II Muzaka (en), seigneur de Berat, ont participé avec leurs troupes au champ de bataille. La conséquence immédiate de la défaite fut l'extension de la domination ottomane sur les Serbes et les Albanais du Nord[19].

    La prise de Constantinople et le sac de la ville par les croisés en avril 1204 constituent un événement majeur pour le destin de la région. Le schisme de 1054 n'avait pas été vécu comme tel par la grande majorité des chrétiens. Mais le pillage de Constantinople par les chevaliers de l'Europe occidentale fut ressenti dans le monde hellénique comme une agression. La prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, entraînera l'Église de Grèce dans une alliance avec l'Empire ottoman qui se consolidera avec le temps contre l'Église catholique. Avec l'occupation ottomane définitivement acquise en 1501, date où la république de Venise signe le traité de cession de l'Albanie vénitienne à la Turquie, les populations albanaises connaîtront une première division religieuse : rite catholique romain au nord, et byzantin au sud. Le rite byzantin du Sud de l'Albanie sera sauvegardé durant des siècles par les Albanais qui immigrèrent en Italie du Sud à la suite de l'occupation turque (les « Arbëresh »).

    Albanie vénitienne – Georges Castriote
    Toile de Vittore Carpaccio pour Santa Scuola degli Albanesi 
    Vittore Carpaccio, Santa Scuola degli Albanesi, Venise.

    Au Xe siècle, la république de Venise s'étend à la côte dalmate. En 1202-1204, les croisés l'aidèrent à conquérir plusieurs autres étapes sur la route vers l'Orient (de Zadar – Zara en Croatie jusqu'aux îles Ioniennes actuellement en Grèce) bien que ce ne fût pas à l'origine le but de l'expédition. Au XVe siècle (1448), ce que la république de Venise appelle l'Albanie vénitienne comprend les territoires et populations s'étendant de Kotor (Cattaro) (Nord du Monténégro actuel), en passant par Scutari et Durrës (Durazzo), jusqu'à la ville d'Árta (région d'Ioánnina, actuellement partie de la Grèce du Nord depuis 1918).

    À cette période commencent également les premières installations massives des Albanais en Italie. En 1450, le roi de Naples, Alphonse V d'Aragon, voulant soumettre la Calabre, leva des troupes dans lesquelles prirent part les Albanais, et beaucoup de ceux-ci ne retournèrent pas en Albanie alors en proie à des luttes incessantes contre les Turcs. Dans la province de Catanzaro ils fondèrent les colonies d'Amato, Andali, Casalnovo, Caraffa, Vena, Zanganore, Pallagoria, San Nicolo dell'Alto, Carfizzi, Gizzerie, Marcedusa et Zegaria. En Sicile, ils s'établirent près de Palerme, à Contessa[22].

    Après la chute de Constantinople, les incursions ottomanes dans la péninsule des Balkans se font de plus en plus fréquentes. En dépit d’une résistance rassemblée derrière le prince Georges Castriote (Skanderbeg) (v. 1403-1468, fils du prince d'Épire Jean Castriote) et de l'aide de la république de Venise, l'Albanie devient une province ottomane à la fin du XVe siècle. Pendant près d’un quart de siècle, Skanderbeg, — salué par les papes Nicolas V et Pie II du nom de « champion du Christ » — infligea de rudes défaites aux troupes turques, sans pouvoir toutefois éviter la conquête de son pays.

    En mourant, Skanderbeg laisse aux Vénitiens la principauté d’Arbérie qu’il avait fondée. Mais ceux-ci, pas plus que les autres puissances catholiques, n'entendaient plus à ce moment s'investir dans une guerre anti-ottomane au profit d'un État orthodoxe, d'autant que leur dernière tentative, celle de 1444, s'était soldée par une cuisante défaite. Fréderic Gibert dira dans l’Étude de l’histoire des pays d’Albanie de 1914 « […] nous pouvons donc avancer qu’il [Skanderbeg] doit être placé au rang des plus grands généraux dont l’Histoire fait mention et que les Turcs furent bien avisés en le nommant "prince Alexandre" en mémoire à Alexandre le Grand[22] ». Voltaire écrivit que « si les empereurs grecs (de Byzance) avaient été de la trempe de Scanderbeg, l’Empire d’Orient aurait pu être sauvé »[réf. nécessaire]. James Wolfe, général anglais, a qualifié Skanderbeg de « plus grand général de l’histoire à la tête d’une petite armée »[réf. nécessaire]. Napoléon Ier, dans ses mémoires qu’il dicta à Sainte-Hélène, considéra aussi Skanderbeg parmi l’un des quatre plus grands généraux de tous les temps[réf. nécessaire].

    Siège de Scutari par les Ottomans
    Ville de Croia, Albanie 
    Château de Krujë.

    Sous la conduite de Suleiman-Pacha, les Turcs vinrent assiéger Scutari en 1474. Cette ville, la plus importante d'Albanie aux yeux de Venise, fut défendue par le sénateur Antonio Loredan (en). La première résistance dura trois mois. À ce moment la flotte ottomane, massée à l'embouchure du lac de Buna de Scutari, fut dispersée par l'amiral Triadan Gritti (en), et le siège fut levé grâce à une diversion du roi de Hongrie.

    Des scènes de bataille seront peintes par Paul Véronèse montrant sur un rocher le château de Scutari (Rozafa) sur lequel flotte un drapeau vénitien, avec en arrière-plan la cathédrale de Saint-Stéphane de Scutari[23]. Vers la fin de 1477, une puissante armée commandée par le beylerbey d'Anatolie Mustafa Bey et Gaiolla-Pacha (en) vint à nouveau investir la ville. Le bombardement fut terrible. Les furieux assauts que Mehmed II fit livrer, notamment les 22, 27, 28 juillet 1478, aboutirent à un blocus. La ville de Krujë (Croïa) avait capitulé le 5 juin 1478, au bout de 13 mois de résistance. Ses habitants furent décapités au mépris de toute parole donnée. C'est la famine qui les fit succomber, de même qu'elle fit succomber, au bout de 15 mois, les 1 600 défenseurs de Scutari enfin obligés de se rendre aux 40 000 soldats d'Ahmed Pacha, le 25 janvier 1479. Parmi les autres défenseurs de Scutari, les Monténégrins se réfugièrent à Cetinje.

    Occupation ottomane – fuites massives des Albanais vers l'Italie
    Georges Castriote, Albanie 
    Scanderbeg.
    Révolte de la région Mirdita contre les Ottomans, Albanie 
    Révolte de Mirdita.

    À la fin du XVe siècle, l’Albanie fut occupée par les Ottomans. Les provinces albanaises d'Ioánnina au sud, à Preševo au nord, en passant par Skopje et Bitola (Monastir) à l'est, retombèrent dans leurs déchirements féodaux et le sultan Mourad II achèvera d'abattre ces « remparts papistes »[24].

    Après la chute de Scutari, et après des efforts et négociations de longue haleine, la république de Venise réussit à convenir le 25 janvier 1479 d'un accord avec le Sultan Mehmet II, selon lequel la dernière forteresse de l'Albanie vénitienne (Scutari) passait entre les mains des Ottomans, et ses habitants pouvaient quitter la ville. Le Provéditeur vénitien, Antonio de Lezze, stipula que la garnison se retirerait avec armes et bagages : une partie s'en fut à Venise où le Sénat montra une grande considération pour toutes les familles en provenance de Scutari, Drisht et Durrës, pour leur courage et leur fidélité à Venise. Les Albanais reçurent des terres pour s'installer à Venise et au Frioul, et les religieux catholiques albanais dans des paroisses de Venise, de Padoue et de Gênes[25]. Ceux qui restèrent à Venise se regroupèrent en confréries sous les vocables saint Maurice et saint Gallo. La république de Venise cédera ensuite dans la même année aux Ottomans l'Albanie du Sud (les châteaux de Himarë, Sopoti (en) (Borshi) et de Kastrovila). Les Turcs prendront également les dernières possessions du seigneur Leonard I (IV) Toko dans l'Albanie du Sud en 1501.

    Quelques années après l'installation de l'occupant turc en Albanie, de nombreux chrétiens albanais (du Sud de l'Albanie cette fois) fuirent encore plus massivement l'Albanie vers l’Italie, formant la communauté des Arberèches, qui existe encore aujourd'hui notamment en Sicile et en Italie du Sud, dans les provinces de Foggia, Potenza, Catanzaro, Teramo, Campobasso, Lecce, Palerme, Catane, Agrigento, Cosenza. À l'exception des émigrés du Nord de l'Albanie, qui étaient du rite catholique romain jusqu'à la ville de Durrës, les émigrés du Sud étaient du rite catholique byzantin (ou gréco-catholique). Cette importante émigration s'installa en Italie et rejoignit ceux qui avaient déjà émigré progressivement entre 1481 et 1492, dès les premières attaques ottomanes. Cette communauté créera les centres de Palazzo Adriano (1481), Santa Cristina, Gela, Mezzojuso (1490), San Angelo di Girgenti, San Michele di Bagoaria. Plus tard, elle fondera (1536) les colonies de Basile, Moschite, S. Costantino albanese, S. Paolo albanese, Brindisi de la Montagne (dans la Basilicate), et de Farneta à Cosenza[22].

    La communauté des Arberèches se renforça en 1680, avec la création de nouvelles fondations : celles de Ururi, Portocannone, Campomarino, et Montecilfone (Campobasso). Charles III de Bourbon fut très favorable aux Albanais, ainsi il leur permit de fonder des établissements spéciaux pour l'éducation de leurs enfants (collèges de San Benedetto, Ullano, et de Palerme). De plus, il fut créé des évêchés albanais du rite gréco-catholique. C'est pourquoi de nouvelles masses émigrèrent en Italie, de même que sous l'empire de Ferdinand IV du Saint-Empire. Ces derniers émigrés s'établirent à Brindisi et à Naples, notamment à la suite du régiment royal de Macédoine formé d'Albanais et de Macédoniens. Il existe une littérature italo-albanaise qui comptait au début du XXe siècle des écrivains de valeur comme Don Variboda, Dorsa, Mauro, de Rada, Marchiano. Les meilleurs statistiques sur les Albanais d'Italie ont été faites par Barbarich.

    Les Vénitiens ne purent conserver leurs comptoirs d'Albanie et leurs établissements de Morée qu'en payant un tribut annuel à Mehmed II qui, avant de mourir en 1481, donna le commandement de l'Épire (dont la moitié sud de l'Albanie) à un petit-fils, dont le dernier descendant direct fut le marquis de Saint-Ange, tué par les Français le 25 février 1525 à la bataille de Pavie. La paix entre Venise et l'Empire ottoman de 1501 fut à nouveau troublée au moment de la bataille de Lépante (1571). À cette époque, les Albanais firent de nombreuses tentatives désespérées pour secouer le joug ottoman et pour intéresser les chrétiens à leur sort. Ce fut en vain et, en 1592, ayant vu les princes italiens Charles-Emmanuel Ier de Savoie et le duc de Parme Ranuce II Farnèse refuser la couronne d'Albanie, ils se résignèrent, à l'exception des montagnards du Nord de l'Albanie et des Chimariotes du Sud, à la domination turque.

    Occupation ottomane Asphyxies de la langue albanaise et de la foi chrétienne
    Pjetër Bogdani, Albanie 
    Mgr Pjetër Bogdani.

    L'histoire albanaise marquée par l'occupation s'est révélée particulièrement douloureuse sur le plan de la langue albanaise, au point de manquer de la faire disparaître. L'interdiction totale d'écoles en langue albanaise durant quasiment cinq siècles d'occupation ottomane eut pour conséquence un taux d'illettrisme extrêmement élevé, évalué à environ 90 % au début du XXe siècle[réf. nécessaire]. Pour les Albanais qui pouvaient recevoir un enseignement, il leur était imposé d'aller à Constantinople pour apprendre le turc. Si quelques-uns pouvaient avoir accès à un enseignement en Albanie du Sud (Épire du Nord), cet enseignement n'était alors qu'en langue grecque. Ce phénomène était dû à la forte influence de l'Église de Grèce au sud de l'Albanie depuis le schisme avec l'Église catholique et à la permission accordée à l'Église de Grèce par l'Empire ottoman de maintenir les écoles et la liturgie en langue grecque (comme ce fut le cas pour les Serbes en slavon). Avec le schisme entre Rome et Constantinople, l'Albanie fut depuis les XIIIe et XIVe siècles (et définitivement à compter de la fin du XVe siècle avec l'occupation ottomane) tributaire d'une guerre de l'Église orthodoxe grecque (au sud) contre l'Église catholique présente dans le Nord de l'Albanie jusqu'à Durrës. La liturgie étant en langue étrangère, ce schisme s'est révélé totalement néfaste à la fois pour la survie et l'unification de la langue albanaise, et pour la sauvegarde de la foi. À quelques exceptions près, la liturgie chrétienne était quasi exclusivement en langue étrangère (en grec pour le rite orthodoxe dans le Sud, et en slavon pour les zones en contact avec les Serbo-Monténégrins au nord), et comme telle, incompréhensible.

    Cependant, le clergé catholique albanais perçut rapidement les conséquences extrêmement préjudiciables de l'interdiction d'écriture et d'enseignement en langue albanaise, tant vis-à-vis de la foi chrétienne que de la lutte contre l'occupant turc, lutte qui passait par la conscience d'appartenance ethnique et religieuse catholique des Albanais. Quelques clercs catholiques albanais réagirent dès les XVIe et XVIIe siècles et se consacrèrent à l'écriture, l'édition et la diffusion d'un maximum de livres (liturgiques à l'époque) en langue albanaise :

    en 1555 Mgr Gjon Buzuku écrivit Meshari (Le Missel), texte de liturgie catholique en albanais (guègue) ; il est suivi par Luca Matranga (en), prêtre arbëresh, qui écrira en albanais (tosque) E mbsuame e krështerë (Doctrine chrétienne) en 1592 ; Mgr Pjetër Budi (en) [Pietro Boudi], évêque de Sapa et Sarda, obtiendra l'édition à Rome de plusieurs ouvrages liturgiques bilingues albanais-italien. Il demandera également en 1621 au Cardinal Ulisse Giuseppe Gozzadini de l'aide pour engager une lutte armée contre les Ottomans, et la nécessité d'un clergé exclusivement albanais. Du fait de ses demandes incessantes adressées à Rome pour la formation d'une liturgie et du clergé en langue albanaise, Mgr Pjetër Budi sera noyé en décembre 1622, en traversant le fleuve Drin au nord de l'Albanie, par ses ennemis. Il sera l'un des premiers martyrs de la langue albanaise ; Mgr Frang Bardhi [Franciscus Blancus en latin, Francesco Bianchi en italien], évêque de Sapa et Sarda, fut l'auteur du premier dictionnaire latin-albanais Dictionarium Latino-Epiroticum 1635, comportant des noms de lieux, des proverbes et différentes expressions issues de différentes régions d'Albanie. Il rédigea des études pour la Congrégation pour la doctrine de la foi à Rome, notamment sur l'organisation et la position de l'Église catholique dans l'Albanie occupée par l'Empire ottoman ; les efforts de l'enseignement de l'albanais seront poursuivis par Mgr Andrea Bogdani (en) [Ndre Bogdani], archevêque de Skopje, ville centrale du Kosovo jusqu'en 1918, auteur d'une grammaire latino-albanaise ; l'œuvre de Mgr Andrea Bogdani sera suivie par son neveu, Mgr Pjetër Bogdani, archevêque de Skopje, d'Antivari (Bar actuellement au Monténégro), de Scutari, et administrateur de la Serbie — qui publiera en langue albanaise (bilingue italien) le traité théologique Cuneus Prophetarum (La cohorte des prophètes, 1685). Farouche résistant contre l'Empire ottoman, il mobilisera environ 6 000 soldats albanais au Kosovo afin de soutenir la campagne autrichienne du XVIIe siècle arrivée à Pristina, qu'il accompagnera jusqu'à Prizren dans la lutte contre les Ottomans.
     
    Arnaoutes, Voyage Pittoresque en Grèce, 1782.

    L'Empire ottoman dicta une loi d'interdiction officielle définitive de la langue albanaise le 31 mai 1779, prise par Abdülhamid Ier, loi qui précisait clairement la protection par l'Empire ottoman de la langue grecque, et l'interdiction de la langue albanaise sous peine de mort[26]. Theodore Kavalliotis (en), de Voskopojë (1718-1797) publia un dictionnaire de langue albanaise-grecque-slave, et fut assassiné durant son voyage de retour en Albanie par les envoyés des phanariotes, voyage durant lequel il emporta des lettres de l'alphabet albanais en plomb pour imprimer des livres en albanais. Naum Veqilharxhi (en) qui possédait l'imprimerie dans laquelle devaient s'imprimer les livres en langue albanaise, fut empoisonné sur l'ordre du patriarche de Constantinople, en 1846. La langue étrangère dans la liturgie chrétienne et la présence d'un clergé majoritairement étranger, expliquent sans doute les rapports distants de la majorité des Albanais vis-à-vis de la religion chrétienne. Selon les régions, les caractères d'alphabets latins, grecs, slaves, turcs, étaient employés (voire arabes pour les livres saints musulmans) ce qui s'opposa au développement littéraire de l'albanais, faute d'alphabet unique. Kostandin Kristoforidhi (en) fera une tentative d'unification au XIXe siècle des différentes versions d'alphabets sur la base d'un alphabet latin avec des signes diacritiques comme pour le tchèque ou le croate. L'alphabet déterminé par le Congrès de l'albanais à Bitola (Kongresi i Monastirit) par le Père Gjergj Fishta résultera de celui créé par les religieux guègues vers 1600, et que la Société Bashkimi (en) (1899) établit à Scutari par Mgr Preng Doçi (en), abbé de la région de Mirdita reprendra. Certains albanologues étrangers proposèrent des alphabets de langue albanaise : il est à citer la proposition d'alphabet du Prince Louis-Lucien Bonaparte[27], celle d'Auguste Dozon[28], ou encore celle d'Eugenio Barbarich (it).

    L'absence d'une langue albanaise écrite, enseignée et diffusée auprès de la population, pendant presque cinq siècles, affaiblit considérablement la circulation des idées et le réveil d'un sentiment national. Les difficultés de transport dans un pays de relief très accidenté y contribuèrent aussi. La liturgie en langue étrangère dans un tel contexte (en grec, latin, et slavon) eut également pour effet de distendre les rites et la foi chrétienne. Toutefois, l'albanais étant une langue de tradition fortement orale, il réussit à survivre à cette asphyxie de cinq siècles.

    Échec des campagnes autrichiennes du XVIIe siècle et austro-russe du XVIIIe siècle
     
    Un khandjar d’Albanie (château des ducs de Bar).

    Au cours du XVIIe siècle, les Impériaux eurent à faire avec les Turcs, et durant la campagne de 1689 leur général Piccolomini franchit la Save et pénétra par le Kosovo, où la route lui fut facilitée par Mgr Pjetër Bogdani jusqu'à Prizren. Les Autrichiens avancèrent de Prizren (Kosovo) à la vallée de Vardar, battant le Turc Mahmoud Begovitch, s'alliant avec les chrétiens albanais. Néanmoins, les Ottomans réussirent à faire entrer en conflit une partie des Albanais musulmans contre les Albanais chrétiens, et le duc de Holstein qui remplaça Piccolomini après sa mort ne sut pas comprendre ses alliés albanais, et les froissa de telle sorte qu'ils le forcèrent à rentrer en Hongrie entraînant dans la retraite le Patriarche Arsène II Cernogevitch et les habitants de la Vieille Serbie (en).

    Lorsque les Austro-russes envahirent l'Albanie du Nord en 1737, les tribus catholiques (Scutari, Hoti, Kelmendi, etc.) et orthodoxes (Kuçi, Piperi, Gruda, etc.) crurent leur heure de libération arrivée. Malheureusement le chef des Alliés, le colonel autrichien Lentulus, manqua de décision et rétrograda du sandjak de Novi Bazar, abandonnant ses auxiliaires à la vengeance des Turcs pour une deuxième fois, qui, néanmoins, ne purent en venir à bout qu'après deux sanglantes répressions en 1740. Cette expédition manquée eut également une influence sur les progrès de l'islam.

    L’histoire de l’Albanie sous l'Empire ottoman, du XVIe siècle jusqu’à 1912, fut marquée par une succession de révoltes albanaises anti-ottomanes durement réprimées. Les plus sévères furent celles des Bushati (en) à Scutari (1796) et celle d’Ali Pacha (1822) en Épire.

    De la renaissance albanaise fin XIXe siècle jusqu'à son indépendance début XXe siècle

    La renaissance albanaise commence au XIXe siècle et aboutira au début du XXe siècle à l'indépendance du pays.

    Réaction albanaise au traité de Berlin de 1878

    À la fin du XIXe siècle, les territoires à forte population albanaise sous domination ottomane étaient séparés en quatre régions administratives (vilâyet) : la région de Kosovo, celle de Scutari, celle de Bitola (anciennement dénommée Monastir), et celle d'Ioannina.

    À l'issue de la grande guerre d'Orient (guerre russo-ottomane) qui marqua la victoire de l'Empire russe sur l'Empire ottoman, la Serbie revendiqua les territoires de Kuršumlija (actuel Sud de la Serbie), Plav (actuel Sud-Est de Monténégro aux confins avec Kosovo), Guceviće (ou Gucia, actuel Sud-Ouest de la Serbie), et Bar (ou Tivar) sur le littoral tandis que la Grèce revendiquait une partie de l'Épire (Ioannina, Arta et Préveza dans lesquelles elle avait placé des consulats quelques années auparavant. Or des Albanais vivaient aussi dans ces territoires, et les leaders albanophones réalisèrent que s'ils ne s'unissaient pas, le peuple albanais finirait par se trouver partagé entre ses voisins : c'est ainsi que se constitua la Ligue albanaise de Prizren, dont le siège se trouvait à Elbasan (Albanie centrale) avec des succursales à Prizren (Kosovo) et à Gjirokastër (Albanie).

     
    Miliciens albanais photographiés par William Le Queux, 1906.

    La Ligue de Prizren proclama la nécessité d'arriver à une autonomie albanaise avec la ville d'Ohrid (actuel Sud-Ouest de la Macédoine du Nord) comme chef-lieu, et protesta contre l'annexion par le Monténégro de territoires comme Podgorica et Ulcinj où vivaient aussi des Albanais. Elle décida d'organiser une résistance armée et, le 6 novembre 1879 un combat eut lieu à Plav (Novsici) entre quatre bataillons monténégrins commandés par Bošo Petrović et 8 000 Albanais de Velika, sous les ordres de Bibë Doda de Mirditë. Les escarmouches durèrent deux ans, et les autorités ottomanes dépêchèrent à partir de Bitola des troupes dirigées par Mouktar Pacha, pour y mettre bon ordre. Une bataille indécise eut lieu près de Plav, à Metei, le 8 janvier 1880. L'Italie proposa alors un échange de territoires entre le Monténégro et l'Empire ottoman, qui fut refusé par les Albanais. Les britanniques proposèrent qu'Ulcinj où les albanais étaient minoritaires, reste monténégrine, mais que le Monténégro restitue à l'Empire ottoman les territoires à majorité albanaise qu'il avait reçu autour du lac de Shkodër. Comme les Albanais refusèrent à nouveau, une démonstration navale britannique devant le port d'Ulcinj les fit céder en 1880. Entretemps, la Grèce avait occupé les régions à majorité hellénophone d'Épire, avec Ioannina, la région entre le fleuve Arachtos et le Pinde, Arta et Préveza. Elle fut néanmoins obligée d'évacuer l'Épire mais reçut en échange la Thessalie, également à majorité grecque[29].

    Après de sanglantes révoltes, Derviş Pacha combattit à nouveau les milices de la Ligue albanaise près de Pristina (à Slivove, Kosovo), et occupa les villes de Prizren et Gjakovë (Sud et Sud-Ouest de Kosovo). De nouvelles manifestations de la Ligue auront lieu lors de la guerre gréco-turque de 1897, et dans la Vieille-Serbie en 1903, dans le but d'unir tous les territoires et populations albanaises dans un seul État.

    Expéditions turques de désarmement des Albanais en 1910

    La révolution de 1908 du mouvement Jeune-Turc donna naissance à un deuxième regroupement des forces albanaises contre l'Empire ottoman, les Albanais constatant qu'ils perdaient au fur et à mesure une grande partie de leurs territoires depuis les accords turco-russes de 1878-1880, et à la suite d'une nouvelle levée de taxes. Aussi, en 1910 une nouvelle organisation, le mouvement Bessa (le « Serment ») s'organisa près de Prizren (Ferizaj, Sud du Kosovo), réclamant l'autonomie de l'Albanie vis-à-vis de l'Empire ottoman. Durant une courte période (1910-1912) de nombreuses révoltes albanaises éclatent.

    En représailles, l'Empire ottoman entreprit une expédition très importante sous la direction de Chefket Pacha (en), et désarma la population.

    Les Ottomans réussirent à la fin de 1910 à confisquer plus de 147 000 fusils, 600 000 cartouches, et quelques canons. Durant une vingtaine de combats, les Ottomans tuèrent environ 3 000 Albanais, exécutèrent 20 chefs de la résistance, ne perdant eux-mêmes que 300 hommes.

    Les mouvements albanais se regroupèrent à nouveau, et reprirent Skopje durant l'été de 1912, quelques semaines avant la déclaration de guerre par la Ligue balkanique à l'Empire ottoman. La guerre éclatée, l'Albanie devait se tenir encore au statu quo sur ordre des grandes puissances, dans l'attente de la détermination de ses frontières.

    Indépendance de l'État albanais et négociation des frontières
    Balkans 1914 
    Aspirations irrédentistes dans les Balkans, 1914.
    Ferenc Nopcsa en costume traditionnel albanais en 1915 
    Ferenc Nopcsa en costume traditionnel albanais en 1915 (avec un fusil de tireur d'élite).

    En 1912, alors que l'Empire ottoman est affaibli, quatre pays (Serbie, Grèce, Monténégro et Bulgarie) conclurent une alliance militaire, la Ligue balkanique, visant à faire reculer l'Empire ottoman, avec l'appui de la Russie. Le 8 octobre 1912, la ligue déclare la Première Guerre balkanique à l'Empire. La guerre tourne rapidement à l'avantage des coalisés et l'Albanie, soutenue par l'Autriche-Hongrie (représentée par Ferenc Nopcsa) entre à nouveau en insurrection et proclame son indépendance le 28 novembre 1912. Les frontières revendiquées par les représentants albanais à la conférence des ambassadeurs de 1912-1913 à Londres, incluent l'ensemble des territoires où vivent des albanophones (même là où ils sont minoritaires), soit l'actuelle Albanie, le Kosovo, le tiers Nord-Ouest de l'actuelle république de Macédoine du Nord avec Skopje, et l'Épire entière avec Ioannina et l'Épire du Sud. Les coalisés eux aussi revendiquent ces territoires : les Monténégrins aspirent à annexer le Nord de l'Albanie avec Scutari, les Grecs réclament l'Épire entière y compris l'Épire du Nord avec Argyrokastro, et les Serbes le Kosovo et l'Albanie centrale, pour obtenir un accès à la mer Adriatique.

    Dès la fin octobre 1912, les Monténégrins pénètrent dans le Nord de l'actuelle Albanie, assiégeant la garnison ottomane de Scutari. Au mois de novembre, les troupes serbes et grecques pénètrent respectivement au nord et au sud de l'Albanie. En décembre 1912, les six grandes puissances européennes signataires du traité de Berlin de 1878 (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Autriche-Hongrie, Italie et Empire russe), créent la conférence de Londres pour régler les questions balkaniques.

    En mai 1913, l'indépendance de l'Albanie est acquise et la question de ses frontières est réglée selon un compromis entre les différentes revendications. Environ 60 % du territoire revendiqué par les représentants albanais, où les albanophones sont très largement majoritaires, forme l'Albanie indépendante ; le reste est incorporé aux États voisins, y compris le Kosovo où les albanophones formaient alors 70% de la population. Durant les négociations, chaque pays est soutenu par différentes puissances : la Grèce par l'Angleterre et la France, la Serbie et le Monténégro par la Russie, tandis que la Bulgarie s'oppose à la Serbie au sujet de la Macédoine. En revanche, l'Autriche-Hongrie soutient les revendications de la délégation albanaise. Dans une certaine mesure, l'Italie, alors alignée sur les puissances germaniques, les soutient également, préférant voir émerger sur la côte Adriatique un État albanais indépendant et neutre, plutôt que des états-clients des Anglais, des Français et des Russes[30].

    Au Nord, une fois les frontières albanaises fixées, les Monténégrins qui n'eurent pas plus que ce qu'ils avaient déjà obtenu au traité de Berlin en 1878, évacuent les territoires albanophones qu'ils revendiquaient[31].

    À l'Est, la frontière albano-serbe est également rapidement fixée par les grandes puissances, mais les territoires majoritairement albanophones du Kosovo, ainsi que de l'Ouest et du Nord de l'actuelle république de Macédoine du Nord, vont à la Serbie qui, en échange, reconnaît l'indépendance du pays et le quitte en octobre 1913 : ce compromis témoigne du rapport de force entre grandes puissances, plus précisément entre les puissances germaniques qui obtiennent une Albanie indépendante, et l'Empire russe qui soutient la Serbie, mais pas au point de lui ouvrir un accès à la mer.

    Au Sud, le traçage de la frontière avec la Grèce à travers l'Épire est plus ardu, car les albanophones et les hellénophones y sont partout présents, les premiers majoritaires dans le nord, les seconds dans le sud, les deux en nombre sensiblement égal au centre[19]. La question frontalière n'est pas seulement linguistique : les albanophones d'Épire peuvent être musulmans (chams, Τσάμηδες tsámides, Ђами ou Џами djamides, djams, dzams ou tchams, mots issus du turc cami, mosquée), mais aussi orthodoxes d'obédience grecque dépendant du patriarcat œcuménique de Constantinople, que les grecs appellent « arvanites » : en voie d'hellénisation depuis des siècles, ces derniers ont une longue tradition d'émigration vers la Grèce et expriment, durant les négociations, leur attachement à ce pays[32]. Ayant obtenu Yanina, la Grèce renonce à Argyrokastro (désormais Gjirokastër) et quitte l'Épire du Nord en février 1914. Toutefois, elle réoccupera cette région le 14 octobre 1914, en raison de la Première Guerre mondiale, mais devra l'évacuer à nouveau en 1916. À la conférence de la paix de Paris (1919) la Grèce revendique à nouveau l'Épire du Nord, mais les traités de paix la laissent définitivement à l'Albanie et confirment la frontière fixée en 1914 à la suite de la conférence de Londres[33].

    Un dernier conflit frontalier oppose en 1921 l'Albanie au tout nouveau Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, qui mène à une violation du territoire albanais par les troupes yougoslaves en janvier. Une escalade du conflit est évitée grâce à l'arbitrage de la Société des Nations, qui fait accepter par les deux parties leur frontière commune[34].

    De la république à la monarchie
    Roi Zog 
    Zog Ier.

    Après la redéfinition de ses frontières, l'Albanie connut une courte période démocratique (marquée notamment par le gouvernement de Theofan Stilian Noli, dit Fan Noli, et de Luigj Gurakuqi) (1924). Ce gouvernement ne cessa de revendiquer auprès de la Société des Nations, après les découpages de 1913-1919, les territoires abritant des populations albanaises : le Kosovo, Monastir (de Skopje à Bitola) et une partie de l'Épire du Sud, dont Ioannina. Les diplomates occidentaux, irrités par les réclamations de Fan Noli, réussirent à propulser sur le devant de la scène politique albanaise une figure moins revendicatrice envers la Société des Nations, celle d'Ahmed Zogu. Ce dernier parvient au pouvoir avec le soutien de la Grande-Bretagne et de la Serbie ; président de la République, il s'autoproclame roi des Albanais sous le nom de Zog Ier. Ce roi fit des efforts pour moderniser l'Albanie, sous la forte impulsion de l'Italie. Ainsi, un Code civil est promulgué, rédigé d'après le Code civil suisse, une Banque nationale est créée ; la réforme agraire donne de la terre aux paysans et la presse connaît un essor pendant les années 1920-1930.

    De l'occupation italienne à la montée du communisme
     
    L'Albanie italienne lors de la Seconde Guerre mondiale entre 1939 et 1941.

    En 1939, le pays est annexé par l’Italie : la couronne du Royaume albanais passe alors au roi d'Italie Victor-Emmanuel III, le pays devenant un protectorat italien. La résistance albanaise de quelques groupes communistes s'organise autour du Parti communiste d'Albanie à partir de 1941, sous la direction d'Enver Hoxha et en liaison avec le mouvement communiste de Tito. Le 16 septembre 1942, la première conférence de libération nationale, à Peć (Pejë), regroupe les communistes, les monarchistes, les nationalistes républicains du Balli Kombëtar (Front national) et le mouvement des frères Kryeziu. Cette conférence donne naissance au Mouvement de libération nationale – LNÇ (MLN ou en albanais LNÇ, Levizje Nacional Çlirimtare) dirigé par huit membres dont Enver Hoxha et Abaz Kupi. Ce dernier, exclu du MLN en novembre 1943 quand le mouvement passe sous le contrôle exclusif des communistes, fonde le Parti de la Légalité (Legaliteti), fidèle au roi.

    Dès avril 1943, le SOE parachute des équipes pour encadrer les maquis de résistance, au départ sans considération politique. À partir de la fin 1943, les Britanniques, intoxiqués par la propagande des « cinq de Cambridge » (dirigeant les services de renseignement britanniques, mais en fait agents d'infuence de l'URSS) abandonnent la résistance loyaliste et royaliste dans les Balkans, y compris en Albanie, pour ne plus soutenir que les partisans communistes[35], d'autant qu'à la Conférence de Moscou (1944) (qui sera entérinée l'année suivante aux accords de Yalta) Churchill, pour conserver la haute-main sur la Grèce, laisse à Staline les mains libres dans le reste des Balkans.

    De la fin de la Seconde Guerre mondiale à aujourd'hui

    L'Albanie connaît, après sa libération totale en novembre 1944, un gouvernement communiste, dont le principal dirigeant est Enver Hoxha, chef du gouvernement et premier secrétaire du Parti communiste d'Albanie. La république populaire d'Albanie est officiellement proclamée le 11 janvier 1946. Le gouvernement albanais est le seul à refuser la déstalinisation en 1956, ce qui le conduit à rompre avec l'URSS et à rechercher l'alliance de la Chine. L'Albanie est alors la dictature la plus sévère d'Europe avec plus de 8 000 condamnations à mort et des milliers de personnes emprisonnées dans des camps, pour une population d'après-guerre de 1 million d'habitants (et de plus de 3 millions en 1990). Le gouvernement met en œuvre des réformes visant à la modernisation économique et obtient des résultats importants en matière d'industrialisation, de développement de l'agriculture, de l'éducation, des arts et de la culture, ce qui contribue à une hausse générale du niveau de vie[36].

    L'Albanie est isolée du reste du monde jusqu'à la chute du régime communiste en 1991. La France, l'Italie, l'Autriche et la Suisse sont les seuls pays occidentaux à entretenir des relations diplomatiques avec l'Albanie pendant la période communiste. De leur côté, le Royaume-Uni et les États-Unis tentent en 1949-1951, en pleine guerre froide, de renverser le gouvernement communiste en infiltrant des commandos composés de militants monarchistes albanais. Leur opération de subversion, nommée Valuable Project, échoue du fait de l'allégeance de l'agent double Kim Philby à l'URSS[réf. nécessaire].

    Après la chute du régime en 1991, l'Albanie connait une transition d'une économie planifiée à l'économie de marché, générant une sévère crise économique, tandis que la population, pouvant passer librement les frontières (dont les fortifications sont abandonnées), s'expatrie en masse, principalement vers l'Italie, la Grèce et les États-Unis. L'Albanie reçoit par ailleurs d'importants mouvements d'immigration à la suite du conflit au Kosovo voisin, en 1998-1999. Le mouvement d'émigration économique se poursuit dans les années 2000. Ainsi, uniquement dans la première moitié de l'année 2015, 30 000 citoyens albanais, venant principalement de la province, ont quitté leur pays afin de rechercher de meilleures conditions de vie dans les pays de l'Europe de l'Ouest[37].

    La crise économique des années 1990, accentuée en 1997 par l'effondrement des banques et des « pyramides financières » qui a englouti les économies de nombreuses personnes, déclenche cette année-là une « quasi-guerre civile » opposant les partisans des deux principaux partis du pays (le Parti démocrate d'Albanie et le Parti socialiste d'Albanie), faisant au moins 2 000 morts. Alors que des centaines de milliers d'armes circulent dans le pays, ce dernier fait figure d'« État failli »[38].

    En 2018, l'Albanie connaît ses plus importantes manifestations étudiantes de l'ère post-communiste. L'augmentation des frais de scolarité est la conséquence d'une loi prévoyant la mise en concurrence des universités et leur ouverture au marché. Le premier ministre Edi Rama affronte la crise en limogeant la moitié de ses ministres[39].

    Bernard Sergent, Les Indo-Européens, Paris, Payot, 1995, p. 95 Hérodote, livre IV, 49 ; VIII, 137 ; IX, 43. [1] Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig, Sergent et d'autres linguistes considèrent, dans une perspective paléolinguistique ou phylogénétique, que le proto-albanais s'est formé sur un fond thraco-illyrien vers le VIe siècle, à l'intérieur des terres, subissant un début de romanisation encore sensible dans la langue moderne, tandis que les emprunts les plus anciens de l'albanais aux langues romanes proviennent du diasystème roman oriental et non de l'illyro-roman qui était la langue romane anciennement parlée en Illyrie après la disparition de l'illyrien (pendant l'occupation romaine, l'illyro-roman a remplacé l'illyrien à la manière du gallo-roman remplaçant le celtique en Gaule). Comme les lieux albanais ayant conservé leur appellation antique ont évolué selon des lois phonétiques propres aux langues slaves et que l'albanais a emprunté tout son vocabulaire maritime au latin et au grec, ces auteurs pensent que les ancêtres des Albanais ont vécu à l'est de l'actuelle Albanie et que les régions côtières de ce pays (thème de Dyrrhacheion) étaient initialement gréco-latines. De nos jours, l'existence, en albanais de mots empruntés au roman oriental balkanique, et en roumain de mots de substrat apparentés à des mots albanais, corrobore cette manière de voir. Le géographe Claude Ptolémée mentionne pour la première fois au IIe siècle le mot Albanopolis (en) pour un lieu-dit correspondant à Zgërdhesh (en) près de Krujë et Albanie centrale : Encyclopédie méthodique, géographie ancienne, tome I et tome III, Paris, 1792, p. 710. 0931. Serge Métais, Histoire des Albanais : des Illyriens à l'indépendance du Kosovo, Fayard, 2006, p. 98). (en) John Van Antwerp Fine, The early Medieval Balkans: A critical survey from the sixth century to the late twelfth century, University of Michigan Press, 1991, p. 10. (en) Benjamin W Fortson, Indo-European language and culture: an introduction, 5, illustrated, 2004 (ISBN 978-1-4051-0316-9). (sq) Alexander Stipčević, Iliri, Zagreb, 1989, 2e éd. (publié également en italien sous le titre Gli Illiri). NGL Hammond, « The Relations of Illyrian Albania with the Greeks and the Romans », dans Tom Winnifrith, Perspectives on Albania, St. Martin’s Press, New York, 1992. (en) Douglas Q Mallory et Adams, Encyclopedia of Indo-European culture, illustrated, 1997 (ISBN 978-1-884964-98-5). (en) John Boardman et Nicholas Geoffrey Lemprière Hammond, The Expansion of the Greek World, Eighth to Sixth Centuries B.C., Part 3, vol. 3, 2, 1982. (en) Mogens Herman Hansen, An Inventory of Archaic and Classical Poleis: An Investigation Conducted by The Copenhagen Polis Centre for the Danish National Research Foundation, 2005, p. 353. N. Hammond, « Tumulus-burials in Albania. The grave circles of Mycenae and the Indo-Europeans », dans le bulletin annuel de la British School of Athens, no 62. Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] Livre III. (sq) I Ceka, Ilirët, Tirana, Ilar, 2002. J.-C. Faveyrial, Histoire de l'Albanie, édition établie et présentée par Robert Elsie, Pejë, Dukagjini, 2001. ↑ a b et c Métais 2006. Juka 1984, p. 60
    « Since the Illyrians are referred to for the last time as an ethnic group in Miracula Sancti Demetri (7th century AD), some scholars maintain that after the arrival of the Slavs the Illyrians were extinct. ».
    (sq) Sh Demiraj, L’Origine des Albanais à la lumière des témoignages de la langue albanaise [« Prejardhja e shqiptarêve nën dritën e dëshmive të gjuhës shqipe »], Shkenca, 1999. ↑ a b et c Gibert 1914. Le tableau se trouve à Oxford, Ashmolean Museum. Cf. L. Corti, « La scuola degli Albanesi à Venezia » dans Portolano Adriatico. Rivisto di storia balcanica, 1re année, no 1, 2004 ; Il Palazzo Ducale di Venezia, Canova, Venise, 1990. (it) L. Nadin, Migrazioni e integrazione. Il caso degli albanesi a Venezia (1479-1552), Bulzoni, Contesti Adriatici. Lucia Nadin, Migrazioni e integrazione : Il caso degli Albanesi a Venezia (1479-1552). Revue Thesaloniki, publiée le 14 août 1999. Louis-Lucien Bonaparte, Albanian in Terra d'Otranto, Londres, 1885. Auguste Dozon, Manuel de la langue Chkipe ou albanaise : grammaire, vocabulaire, chrestomathie, Paris, 1878. F. Gibert, Les Pays d'Albanie et leur histoire (avec deux cartes), Paris, Rosier, 1914, p. 278 : « Démonstration navale à Dulcigno, 1880. (…) Entretemps, la Grèce occupait Janina, avec la région entre le fleuve d'Arta et le Pinde, ainsi que Préveza, mais elle évacua ces pays, ayant reçu des compensations en Thessalie ».
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    (en) Edith Durham, The Struggle for Scutari (Turk, Slav, and Albanian), Edward Arnold, 1914. Pierre Sintès, La raison du mouvement : Territoires et réseaux de migrants albanais en Grèce, Karthala, Paris et École française d’Athènes, 2010. (en) An Index of events in the military history of the Greek nation, Athènes, Hellenic Army General Staff, Army History Directorate, 1998 (ISBN 960-7897-27-7), p. 103. Léon Bourgeois, L’œuvre de la Société des Nations, Payot, Paris 1923, p. 246. Christopher Andrew, Oleg Gordievsky, Le KGB dans le monde, 1917-1990 (titre angl. orig. KGB: The Inside Story), Fayard, 1990 (ISBN 2213026009) (en) « Albania: The Stalinist state », sur Encyclopedia Britannica. « Crise en Albanie : entre exode des demandeurs d'asile et silence des politiques », sur huffingtonpost.fr, 21 août 2015. Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin, « L’Albanie, « bon élève » à la dérive », sur Le Monde diplomatique, 1er septembre 2020. Jean-Arnault Dérens & Simon Rico, « Vent de révolte des Balkans à la Hongrie », sur Le Monde diplomatique, 1er mars 2019.
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